Quand les cowboys disent bonjour aux montagnes

Deux ans après un premier album grinçant comme un cheval à ressorts, les trois cow-boys barbus du groupe Avec pas d’casque récidivent. Ils proposent un nouveau tour de poney sur CD, cette fois sur le thème de la nature. Bienvenue dans un univers qui sent bon le sapin.


C’est dehors au soleil que Stéphane Lafleur a tenu à donner cette entrevue, la première qu’il accorde pour le deuxième album d’Avec pas d’casque. Tout à fait cohérent avec le titre du prochain album Dans la nature jusqu’au cou, qui sera dans les bacs dès le 28 octobre. «Je trouve ça toujours le fun de me retrouver dehors, j’ai besoin d’air, raconte le chanteur de la formation. Et t’es chanceuse, ma cassette est pas encore usée! J’ai l’impression de toujours dire à peu près les mêmes choses aux journalistes.»

La musique de ces trois artistes n’a pourtant rien d’une cassette qui se répète. Avec eux, l’amour passe «à travers le linge», «l’espoir est une lumière qu’il faut changer souvent», le risque est touché «avec la langue» et l’auditeur espère «les bras de la femme bionique». Côté musical, cela donne un espèce de mélange entre Mara Tremblay, les Trois Accords et Fred Fortin, dans une ambiance qui rappelle un dimanche au chalet en gros coton-ouaté.

 

Le papier collant qui dépasse

Avec pas d’casque, c’est une bande de cow-boys, mais à temps partiel. Joël Vaudreuil, le batteur qui s’est joint au groupe après la sortie du premier album, fait aussi partie d’un band «presque heavy métal», Pierre was an outsider. Nicolas Moussette, à la guitare slide, devient «très pigiste» en dehors du groupe. Le chanteur et compositeur Stéphane Lafleur est quant à lui réalisateur, notamment du film qui s’est valu quatre prix Jutra, Continental, un film sans fusil.

Faire de la musique en dilettante leur permet plus de liberté, selon ce dernier. «On n’est pas très carriéristes par rapport à la musique, ce qui fait qu’on peut pas mal faire ce qu’on veut.» Et ce qu’ils veulent, c’est un résultat tout sauf final. «On dirait que dans ce band-là, on aime ça quand le papier collant dépasse un peu! Alors qu’en général, dans l’industrie de la musique, tout est propre, très packagé et radiophonique.»

Plusieurs des chansons de Dans la nature jusqu’au cou sont d’ailleurs les premières versions enregistrées en studio (au sous-sol chez Nicolas Moussette). «Le souffle, la voix et l’intonation de la première version ne sont pas facile à retrouver, explique Stéphane Lafleur entre deux bouchées de muffin aux carottes. Il y a quelque chose de maladroit qu’on aime bien là-dedans. De toute façon, de la manière qu’on travaille, il n’y a pas une grosse différence entre nos maquettes et quand on s’applique!»

Les trois musiciens sont d’ailleurs des autodidactes. «Joël s’est joint au band parce qu’on avait besoin de quelqu’un pour jouer de la slide, raconte le chanteur. Il n’en avait jamais joué. Il a eu un mois pour apprendre.» Il joue d’ailleurs «à peu près de tous les instruments», sans jamais avoir pris de cours.

L’enregistrement aussi se fait avec les moyens du bord. «On est tous en apprentissage, explique Stéphane Lafleur. On connaît ça à peu près. On place des micros, puis on regarde ce que ça fait. On n’a pas de recette. On y va avec ce qu’on a, on n’a rien loué. Mais c’est correct pour nous.»

 

La même désinvolture règne sur scène. «On essaie de faire ça “salon”. C’est assez convivial et approximatif !» Les trois barbus jouent assis et projettent des diapositives qu’ils ont trouvées, sans que ce soit trop planifié. «Notre meilleur show à vie, c’était dans un appartement à Québec l’an dernier. Il y avait 40 personnes assises par terre. Donc ceux qui étaient là avaient vraiment le goût d’être avec nous.»

Leurs expériences devant public les a d’ailleurs motivés à faire un album plus éclaté au point de vue des rythmes. «En show, on se rendait compte qu’il y avait une espèce d’homogénéité dans ce qu’on fait. On avait le goût de briser ça, avec des tounes qui font un peu plus taper du pied. On a donc fait quelque chose de plus up-tempo. » Et de plus orchestré aussi. «Mais pas tant que ça non plus.»

Après l’album Trois chaudières de sang, qui a beaucoup tourné en 2006 dans les radios communautaires, mais qui a été freiné par l’aventure du film Continental, un film sans fusil, le groupe est prêt à changer sa réputation de pro des premières parties. Ses membres ont aujourd’hui le désir de jouer dans de petites salles. «Mais pas trop quand même. On ne veut pas que ça devienne une job. On veut que ça reste pour le plaisir.» Des spectacles sont déjà prévus à Chicoutimi, à Québec, à Saint-Hyacinthe et au Cabaret Juste pour rire à Montréal, avec le groupe Band de garage.

 

Pêche au quotidien
Le titre du prochain album, Dans la nature jusqu’au cou, est venu il y a plus d’un an, avant même que sa conception ne soit amorcée. Les trois membres du groupe se rendaient ensemble en voiture dans un chalet à Shawinigan. «Le temps est différent quand t’es dans le bois. On trouvait ça intéressant, se rappelle le chanteur. Une heure plus tard, on plongeait dans un lac.»

Les chansons sont écrites par Stéphane Lafleur. Quand vient le temps de se mettre à l’œuvre, l’auteur s’inspire surtout du quotidien, de ce qui l’entoure. Il doit d’ailleurs la chanson Si on change les équipes, ce n’est plus une revanche à un enfant. «Je l’ai entendu crier ça à son ami, raconte-t-il. Je trouve que c’est une grande vérité qu’on peut appliquer au monde des adultes aussi.»

Selon lui, les phrases, les images et les idées nous entourent en permanence. Il suffit d’avoir la sensibilité pour les attraper. «Et c’est comme aller à la pêche, image-t-il. Il faut juste que ta ligne soit au bon endroit au bon moment.» Il compose alors «un bon squelette» de chanson qu’il présente à ses comparses. Ceux-ci s’occupent de mettre de la chair autour de l’os. «Mais c’est vraiment une synergie. Les dessins de la pochette de Joël m’ont inspiré une chanson.»

Et de quoi parle cet album ? Longue hésitation. «Ça parle beaucoup de marche dans le bois en tout cas.» Il réfléchit davantage. «Des fois je ne sais pas trop moi-même de quoi je parle! L’idée, c’est de lancer plein d’images et qu’ensuite, une couple d’entre elles évoquent quelque chose pour le monde.»

Au bout d’une demi-heure de réponses aux questions de Montréal Campus, Stéphane Lafleur retourne l’enregistreuse vers la journaliste. «Et toi ? Comment ça va ?» Vraiment, ils ne se prennent pas au sérieux.

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