Obsédé… par la scène

Photo: Mathieu Dubois

Les spermatozoïdes, Mammaire, Boules bleues, Chuis beau. Ces titres sont issus non pas de la section XXX de votre club vidéo, mais du nouvel album de Jamil Azzaoui, Je dure…Très très dur…! Un petit dernier, cru et irrévérencieux, du Jamil à 100%!


Le 17 octobre, l’auteur, compositeur et interprète Jamil proposera un nouvel opus. Comme ses albums précédents, ce petit nouveau pourrait nicher sur presque chacune des tablettes de votre disquaire tant ses influences sont hétéroclites. Blues, musique marocaine, rap, folk et chanson française se mêlent sans complexe aux textes cinglants, mais jamais cinglés, du chanteur décapant. Le résultat a semblé ravir les spectateurs massés à l’espace 400e, dans la Vieille Capitale, où Montréal Campus l’a rencontré.

Sa bonhomie montre bien que Jamil se plaît dans son nouveau rôle d’artiste à temps plein. Si le public connaît bien le chanteur tonitruant, peu ont eu vent des succès qui ont jalonné sa carrière passée d’imprésario. En dix-neuf années d’activité, le Marocain d’origine peut se vanter d’avoir extirpé Richard Desjardins de son Abitibi natale et d’avoir fait connaître au public québécois des noms comme Bécaud, Aznavour et Charlebois, mais aussi celui de Garou et d’autres chanteurs de variété. «Je travaillais avec n’importe qui, à condition que la personne soit sincère dans sa démarche», explique Jamil.

Lorsqu’il a troqué les coulisses pour la scène, ce n’était pas un changement de cap, mais plutôt un retour aux sources pour Jamil. Sa première incursion dans le monde artistique, il y a maintenant 18 ans, a avorté prématurément au terme d’une performance désastreuse. Les mains moites, la voix nouée et la tête ailleurs, il est sorti traumatisé de son expérience scénique. Sa renaissance a fait le bonheur du public et des artistes pour lesquels il a travaillé, mais a laissé les médias plutôt froids. «Les médias me considéraient comme un has been qui se payait un trip», se souvient-il. «J’ai voulu sortir deux albums en moins d’un an pour casser cette image et m’imposer en tant qu’artiste. Je me rends compte aujourd’hui que le deuxième était prématuré et immature. Comme artiste, il faut se laisser désirer.»

Au total, c’est tout de même près de 40 000 boîtiers qui ont trouvé preneur, une réussite en considérant que ses thèmes salés ont jusqu’à maintenant privé Jamil de la tribune des radios commerciales. L’artiste est conscient de cette limite et en avertit lui-même son public. «Lors des shows, laissez les gamins de moins de seize ans à la maison, c’est très gênant pour moi.» Et d’entendre une foule d’octogénaires chanter en chœur ses couplets obscènes, ça ne le gêne pas? «Pas du tout, au contraire», s’amuse-t-il. «C’est extrêmement rassurant. Un jour, ce sera notre tour».

Sa misogynie légère, sa fougue grivoise et ses attaques cyniques font partie d’un personnage poétique, inoffensif et marrant que Jamil s’est forgé. Son inspiration lui provient de son quotidien, de la vie en général. «Tout ce que je raconte est vrai», promet-il. Ce pornographe du phonographe version 2008 n’est pas sans rappeler Georges Brassens, dans cette façon de transformer des anecdotes en chansonnettes universelles. «J’ai découvert Brassens à 14 ans. Ça me faisait rire quand des amis me présentaient des groupes punks qui gueulaient Fuck The President! Être punk, c’est une attitude. À l’époque, Brassens, avec ses idées, c’en était un vrai!»

De passage en France
Né d’une mère française, Jamil ne s’éloigne jamais bien longtemps de l’Hexagone. C’est grâce aux Français d’ailleurs si le 31 mai dernier, le temps de deux chansons, son site Internet a cumulé 20 000 clics de souris en un jour plutôt que les 250 habituels. La cause? Un passage remarqué aux Années bonheur, une émission aux cotes d’écoute dix fois millionnaires présentée sur France 2. Sur le plateau de Patrick Sébastien, Jamil a servi Les moitiés, ainsi que la désarmante Je pète au lit, se méritant la faveur du public ainsi que quelques bons mots dans le quotidien plutôt conservateur Le Figaro. Cette prestation succédait à une série de spectacles au Théâtre de Dix-Heures, à Paris.

Plusieurs bons coups, mais rien pour lui assurer une carrière internationale, souligne-t-il humblement. «Les médias québécois ont cette propension à encenser les artistes d’ici qui jouent en France. On a qualifié mes spectacles de « triomphaux ». Mais quand on a des soirs de quinze spectateurs dans la salle, peu importe la réaction, on ne peut pas parler de triomphe.»

Séduire les jeunes
S’il reste encore beaucoup à faire pour gagner le cœur des Français, celui des Québécois semble déjà conquis pour le chansonnier. «Si ce n’était pas le cas, il y aurait un problème», soutient-il. «Je ne serais pas sur scène, mais sur la table de travail pour peaufiner mon matériel».

Malgré son succès, l’artiste de 47 ans aimerait que les jeunes occupent plus de sièges durant ses spectacles. Jamil juge que si la connexion se fait plus difficilement avec ce public, c’est en partie à cause de leur manque d’intérêt pour les chansons à texte. Il constate toutefois qu’il n’est pas la seule victime de ce manque d’égard face aux messages que les artistes tentent de véhiculer. Il cite en exemple Dédé Fortin, à qui il consacre une de ses chansons, Poubelles. «Quand ils chantonnent La rue principale, à quel point les jeunes se rendent-ils compte que les paroles sont réelles, que les Wal-Mart et autres Loblaws transforment les villes? Mais tout n’est pas perdu», ajoute-t-il. «Je vois de plus en plus de jeunes visages. Souvent, ce sont les professeurs qui m’ont fait connaître. Quelques années plus tard, leurs étudiants me redécouvrent de leur gré.»

Si ses deux premiers albums s’intitulaient Pitié pour les femmes et Pitié pour les bums, le 17 octobre, avec Je dure…Très très dur…, Jamil n’aura de pitié pour rien ni personne. Âmes prudes s’abstenir.

Jamil Azzaoui sera à l’Olympia les 13 et 14 novembre.

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