Combattre les Forces

Opposition au recrutement militaire sur les campus

Alors que les Forces canadiennes tentent d’augmenter de façon marquée leurs effectifs, une campagne pancanadienne contre le recrutement militaire revient à la charge pour la rentrée. L’Opération Objection frappe de nouveau aux portes des universités du pays pour contrer l’enrôlement étudiant.

Les Forces canadiennes séduisent bien des jeunes. Ils s’enrôlent par centaines dans l’armée régulière et forment près de la moitié des Forces de réserve. La proportion des moins de 25 ans dans l’armée régulière est passée de 10% en 2006 à 17% en 2007, selon le Profil des Forces canadiennes, un document publié par Statistique Canada en juillet dernier. Dans la Réserve, cette tranche d’âge représente près de 40% des effectifs. Une même proportion des réservistes sont aux études.

Le caporal-chef Guillaume Cantin est l’un d’eux. L’étudiant en science politique à l’UQAM raconte avoir toujours été attiré par les Forces. «Pour moi, c’est une passion comme une autre. Au secondaire, je lisais des livres sur les conflits armés et à 16 ans, je me suis enrôlé.»

Aujourd’hui dans la vingtaine, il se rend sur invitation dans les écoles secondaires et les cégeps pour partager sa vision des Forces. Il déplore l’image souvent négative qu’a le grand public de l’armée. «C’est la mission en Afghanistan qui est problématique pour les pacifistes. Mais ce qui se fait là-bas est une infime partie du travail de l’armée. Nous devons aussi soutenir la population civile canadienne en cas de catastrophe.» Guillaume Cantin déplore que l’enrôlement des jeunes ait mauvaise presse au Québec. «Penser que l’armée nous a mis une feuille sous le nez et qu’on a signé sans réfléchir, c’est nous prendre pour des imbéciles», se défend-il. Selon lui, les recrues sont orientées pour choisir le métier qui leur convient, que ce soit aumônier, dentiste ou technicien en armement. Il souligne que la Réserve n’exige aucun contrat quant à la durée de l’engagement, offre des salaires avantageux (en moyenne 21 000$ annuellement pour un travail à temps partiel) et permet de poursuivre une carrière civile tout en profitant d’avantages sociaux et du remboursement partiel des frais de scolarité.

Ces privilèges sont les principaux ar

guments utilisés par l’armée pour attirer de nouvelles recrues. Depuis 2006, les objectifs de recrutement des Forces canadiennes augmentent constamment. «Il y a deux ans, l’armée demandait 5 000 enrôlés pour la Force régulière et elle est graduellement passée à 8 000», explique le commandant du Centre de recrutement de Montréal, le capitaine Sylvain Coulombe. À cela s’ajoutent les 6 400 réservistes recherchés annuellement. Pour atteindre ses objectifs, l’armée est présente dans les salons d’emplois, les événements sportifs et les établissements d’enseignement.

L’envers de l’uniforme

La présence de soldats dans les écoles suscite toutefois l’indignation des groupes pacifistes. Depuis un an, une organisation non gouvernementale montréalaise, le Centre de ressources sur la non-violence, supervise l’Opération Objection, une campagne qui combat le recrutement militaire dans les institutions d’enseignement. Les membres du mouvement attirent l’attention du public par leurs actions théâtrales devant les kiosques d’information de l’armée. Die-in, déguisements de soldats et parodies de parades militaires sont les armes de ces militants pacifistes.

L’Opération Objection réunit chaque mois un groupe d’irréductibles pour manifester devant le Centre de recrutement des Forces canadiennes à Montréal, situé sur la rue Sainte-Catherine. Le 18 septembre dernier, leur action devant les portes closes du Centre de recrutement a rassemblé les pacifistes de plusieurs groupes de pression. Des mamies enragées, des artistes engagés et d’anciens militaires de l’armée américaine et canadienne sont venus gonfler les rangs de l’Opération.

 

Manifestation devant le Centre de recrutement des Forces canadiennes à Montréal, 12 septembre 2008 - photo: Jean-François Hamelin

Le caporal à la retraite Martin Petit est l’un d’eux. L’ancien militaire a fait la première guerre du Golfe, s’est rendu en Croatie (1992), en Somalie (1992 et 1993), en République serbe de Krajina (1995), puis en Bosnie (2002). Il souffre aujourd’hui du syndrome de stress post-traumatique.

Martin Petit a été marqué par la tentative de suicide d’un soldat canadien. Celui-ci avait participé à l’assassinat d’un jeune Somalien et s’était ensuite pendu dans sa cellule. L’ancien caporal l’a découvert et l’a décroché avant qu’il ne meure. Son visage le hante encore constamment.

Maintenant étudiant à l’Université du Québec à Chicoutimi, il s’insurge contre la présence des Forces canadiennes dans les établissements scolaires. «L’école est un lieu de savoir, pas un lieu où l’on enrégimente les jeunes. L’armée arrive et leur vend le rêve, l’aventure, le travail humanitaire. Ce n’est pas comme ça que ça se passe sur le terrain.»

Maude Bouchard, étudiante de l’UQAM et membre de l’Opération Objection, croit également que l’armée n’a pas sa place dans les institutions d’enseignement. Elle s’oppose surtout à la présence des Forces canadiennes au secondaire et au collégial. «Je juge que les enfants de moins de 18 ans ne sont pas conscients de ce que représente la guerre. Ça me trouble que l’armée profite de l’innocence des jeunes.» L’étudiante est régulièrement présente aux stands d’information de l’Opération contre la «propagande militaire».

La campagne encourage aussi les associations étudiantes à adopter en assemblée générale une résolution contre la présence des Forces dans leur institution. Vingt-cinq associations ont rejoint les rangs de la campagne, se félicite le porte-parole québécois de l’Opération Objection, Alexandre Vidal. À l’UQAM, aucune association étudiante n’a toutefois adopté de résolution contre la présence de l’armée depuis le lancement de l’Opération.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *