Buzz, mais buzz légal

Les amateurs de speed, d’ecstasy et de LSD peuvent désormais vivre leur buzz sans craindre les démêlés avec la justice grâce aux party pills. Abandonnées comme antidépresseur dans les années 1970, elles reviennent aujourd’hui en force dans les milieux alternatifs.

Simon*, un consommateur de plaisirs interdits, a entendu parler pour la première fois en janvier dernier des party pills, une variété de drogues synthétiques composées de benzylpiperazine (BZP). Il a tout de suite voulu essayer ces capsules devenues populaires dans les raves, les sex-shops et les boutiques d’accessoires de marijuana. «L’idée était d’expérimenter quelque chose qui prétendait avoir des propriétés aussi fortes que le speed ou l’ecstasy, mais qui était légal», raconte l’homme dans la vingtaine.

En quelques clics de souris, il s’est aperçu que plusieurs sites Internet offrent des comprimés de BZP. Il y a découvert que, mélangée à diverses autres substances synthétiques à base de piperazine, la substance peut imiter l’effet des amphétamines (speed), de la MDMA (ecstasy) ou du LSD. Libre alors au consommateur de choisir entre la Extreme Sunrise, la Lovely ou la Diamonds.

Pour 30$, Simon a fait venir du Royaume-Uni deux party pills: une pour son ami et une pour lui. «On ne croyait pas que ça pouvait être aussi fort que ce qui se retrouve sur le marché noir, se rappelle-t-il. Ça a duré 12 heures! Je n’ai pas dormi de la nuit.» Auparavant, Simon a expérimenté de nombreuses substances illicites et selon lui, les effets des party pills s’apparentent grandement à ceux du speed: volubilité, stimulation, sentiment de confiance, d’euphorie. «Mais avec un mal de tête incroyable à la fin!»

Légale, mais non sans danger

Ne pas avoir à traficoter avec le marché noir et connaître exactement ce que la pilule contient attirait les consommateurs au moment de l’arrivée de cette drogue sur les tablettes, selon André Levert, propriétaire de la boutique Psychonaut, qui vend des accessoires de consommation de substances illicites. De février à juillet, il a distribué dans son commerce de la rue Prince-Arthur plusieurs marques de party pills. «Il y a des consommateurs qui en sont venus à préférer ces pilules à l’ectasy ou au speed. Probablement parce qu’elles étaient pures, dit-il. Ce qui se retrouve sur le marché noir, c’est toujours coupé. Tu ne sais pas ce qu’il y a dedans.»

Même si les party pills ne sont pas distribuées par les vendeurs de coin de rue, leur consommation n’est pas sans risques. L’effet des party pills s’accompagne d’une longue liste de sensations indésirables. Le Groupe de recherche et d’intervention psychosociale de Montréal (GRIP) mentionne les maux de tête, nausées, bouffées de chaleur, fièvre, vomissements et palpitations parmi les symptômes engendrés par la consommation de ces pilules. Des problèmes rénaux, des convulsions et des psychoses ont été rapportés.

Il manque cependant de données sur les risques associés au BZP, selon le professeur adjoint au département de psychoéducation de l’UQAM et président-fondateur du GRIP Montréal, Jean-Sébastien Fallu. «Les risques d’abus et de dépendance sont très limités. Les cas de mortalité sont très rares et impliquent une consommation de plusieurs substances à la fois, ce qui fait qu’on ne peut pas tirer de conclusions sur ce qui a tué la personne.»

Razzia de pilules

Les capsules de benzylpiperazine ont récemment été retirées des tablettes sous l’ordre de Santé Canada. En juillet dernier, un représentant de l’agence fédérale, accompagné de quatre policiers, est entré au Psychonaut pour confisquer les capsules. «Il disait qu’au pays, tu ne peux pas vendre une pilule non approuvée par Santé Canada, se rappelle André Levert. La substance n’est pas illégale, mais le fait de la mettre en comprimé l’est.»

La vente de party pills est effectivement interdite au pays, même si sa consommation ne fait l’objet d’aucune sanction. Le Canada se distingue ainsi de nombreux États, dont l’Australie, les États-Unis, le Danemark et la Nouvelle-Zélande, qui ont criminalisé l’usage de cette drogue. En Nouvelle-Zélande, où elle a été commercialisée en premier, la party pill a été classée illégale après que de nombreux consommateurs, sous l’effet de la benzylpiperazine, aient été accusés de vols, de voies de fait ou de meurtre. Santé Canada affirme n’avoir pris aucune décision au sujet de la party pill. «Nous procédons à une évaluation pour déterminer s’il convient d’assujettir ce produit à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances », soutient Paul Spendlove, agent de communication pour Santé Canada.

Depuis la razzia de l’agence de santé, en juillet dernier, la majorité des clients du Psychonaut sont retournés sur le marché illégal, croit André Levert. «Je suis pour que Santé Canada vérifie les dangers, mais je suis pour que ce soit légal. Sinon, l’argent va dans la poche du crime organisé!»

Selon Jean-Sébastien Fallu, la classification légale des drogues ne repose pas sur des critères objectifs, scientifiques et pharmacologiques. C’est beaucoup plus politique, culturel et économique. «Et si les Conservateurs restent au pouvoir, les jours de la benzylpiperazine sont comptés.»


*Nom fictif

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