André Sauvé : Voyage humoristique

 

 

Névrosé et hyper nerveux, André Sauvé déride son public avec ses expressions faciales démesurées et ses propos saugrenus. Montréal Campus a rencontré cet humoriste délirant qui tient plus du moine que du clown.

André Sauvé est officiellement devenu un comique la quarantaine bien entamée. Il a remporté le titre de révélation de l’année au festival Juste pour rire en 2006. Marc Labrèche découvre son humour tordu à l’été 2007. Il lui propose alors de participer à l’émission 3600 secondes d’extase, sur les ondes de Radio-Canada. Sa collaboration à ce projet le révèle au grand public. Il y incarne un personnage unique aux personnalités multiples, fruit d’une introspection hors du commun. L’humoriste qui roule ses r prépare actuellement son tout premier spectacle solo, qui sera présenté à Montréal au Monument-National en octobre prochain.

Montréal Campus: Que faisiez-vous avant de découvrir l’humour?

André Sauvé : J’ai fait 36 métiers dans ma vie. J’ai notamment été professeur de danse classique de l’Inde, le Bharata Natyam. J’ai beaucoup travaillé avec mon corps. J’ai aussi fait du mime, dans la troupe Omnibus. Par après, j’ai étudié en relation d’aide et je suis devenu psychothérapeute. J’ai arrêté ça, parce que le côté artistique et créatif me manquait. Je voulais écrire, mais je n’avais jamais pensé à l’humour. Entre amis, j’ai toujours été drôle dans mon salon, mais jamais je n’ai voulu en faire une carrière.

M.C.: Comment êtes-vous finalement devenu humoriste?
A.S.: Je suis arrivé dans le monde de l’humour par hasard. Un ami m’a mis au défi d’aller présenter un monologue au festival Le Tremplin à Dégelis, dans le Bas-Saint-Laurent. Ce soir-là, Yvon Deschamps était dans la salle. Il a décidé de me prendre sous son aile. J’ai vraiment fait la bonne affaire, à la bonne place, au bon moment, devant la bonne personne.

M.C.: Comment qualifieriez-vous votre démarche artistique?
A.S.: Mon humour n’est pas absurde, c’est un copié-collé de la vie. Par exemple, aux nouvelles à la télévision, on voit quelqu’un qui se fait éventrer en Tchétchénie. Deux secondes plus tard, on annonce que le brocoli est en vente à 99¢ cette semaine! Dans les mêmes trente secondes, ces deux informations sont entrées dans ma tête. Si on dit que ça, c’est de l’absurde, j’admets que j’en fais.

M.C.: Quelle est votre principale source d’inspiration pour écrire vos textes?
A.S.: Ma première inspiration est moi-même. Je grossis à la loupe ce que je vois de moi. J’ai fait beaucoup de méditation dans ma vie. Il m’est souvent arrivé de rester assis sans bouger en silence huit heures par jour, dix jours en ligne. Un moment donné, tu vois des affaires. Pas dans le sens d’avoir des visions, mais dans le sens de remarquer tes travers. La méditation m’a surtout permis d’accepter que ça n’arrête jamais dans mon cerveau. Déjà que je parle vite, disons que ça va beaucoup plus vite dans ma tête que dans ma bouche. Quand je dis une phrase, il y en a toujours trois ou quatre autres qui attendent en ligne. Je m’inspire aussi des traits de caractère des autres. Cela me demande beaucoup de silence. J’ai besoin de beaucoup de solitude. J’aime aller seul dans des cafés et j’écoute les conversations. Je me dis tout le temps, le vrai théâtre, il est là! Souvent, je finis la phrase d’une personne dans ma tête et à ce moment-là, j’ai un fou rire incontrôlable.

M.C.: Est-ce que la célébrité due à vos apparitions à 3600 secondes d’extase nuit à votre travail d’observation?

A.S.: Il faut que je m’adapte, parce que j’aime bien avoir l’air de la tapisserie. La popularité pour moi n’est pas un but, c’est une conséquence. Je suis comme un médecin qui accepte qu’on l’appelle pendant la nuit pour aller faire une opération à cœur ouvert. Chaque métier a ses contraintes. Jusqu’à maintenant, ça ne nuit pas à mon travail, heureusement.

M.C.: Vos délires sont votre marque de commerce. Sont-ils spontanés ou préparés?
A.S.: Je manque tellement de confiance que je dois écrire chaque mot et chaque geste. De plus, je n’aime pas écrire du tout. J’apprends chaque jour à moins haïr ça. Je n’ai pas le choix parce que je n’improvise jamais. J’ai fait de l’improvisation dans une petite ligue dans un bar, il y a deux ans. J’ai joué juste une fois. Ça m’a traumatisé! Je suis trop angoissé pour ça.

M.C.: Une fois sur scène, comment vous sentez-vous?
A.S.: Une journée où je dois aller sur scène, je ne me sens pas bien du tout. Je me demande pourquoi je ne suis pas vendeur de souliers à la place. Mais je me replonge dans la névrose du personnage, qui est aussi la mienne, et je fonce. Souvent les gens me disent que j’ai de l’assurance sur scène. C’est pourtant l’endroit où je suis le plus fragile au monde. J’ai l’impression d’être sur un toit à pignon. Je peux tomber d’un bord comme de l’autre et me casser la gueule. En même temps, j’ai toujours cherché le danger. J’ai fait beaucoup de voyages pour cette raison. Je partais seul avec un sac à dos, sur un coup de tête et je m’en allais pendant six mois ou un an en Inde.

M.C.: Comment faites-vous pour gérer votre nervosité au quotidien?
A.S.: Il faut que je bouge! Je suis trop électrique. Après une journée où mon cerveau est actif, j’ai besoin de m’entraîner ou de faire du yoga. Sinon, je fais de l’insomnie.

M.C.: Les éloges fusent de partout. Vivez-vous bien avec l’attention du public?
A.S.: C’est flatteur, mais je trouve ça étrange d’être devenu un sujet de conversation. Je me dis que les gens sont bien fuckés de me suivre dans mes délires. D’un autre côté, je suis convaincu qu’ils ne sont pas caves. C’est ce que je hais des films américains. C’est presque écrit: «Pleurez». Comme si tu étais trop sans-dessein pour te rendre compte que c’est un moment triste! À l’inverse, j’essaie de ne pas donner de mode d’emploi à mon public. Je me dis toujours que je fais 50% du chemin et que le spectateur doit faire le reste.

M.C.: Que devons-nous attendre de votre nouveau spectacle solo?

A.S.: Je commence à le roder en région à partir du mois de mai. J’aimerais que les gens se sentent ailleurs pendant une heure et demie. Je souhaite déstabiliser mes spectateurs, les emmener à un endroit où ils n’ont jamais été. J’ai toujours eu un grand besoin de foutre le camp. Je sais aujourd’hui que je ne veux plus repartir avec l’optique de fuir. Mon spectacle m’a permis d’apprivoiser la partie de moi qui veut constamment s’en aller, parce qu’il m’amène à voyager dans ma tête. Au moment où je fais rire les gens, je suis heureux.

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