Peu importe le genre, tous et toutes se côtoient dans les salles d’escalade et sur les parois extérieures. Face aux commentaires et aux attitudes sexistes, les grimpeuses s’entraident pour se tailler une place dans ce sport en vogue autrefois dominé par les hommes.
« Tout le monde est assez respectueux », dit France Lavoie, qui pratique l’escalade de bloc depuis plusieurs années. Elle dit ne pas avoir vécu de discrimination basée sur le genre dans le milieu.
Toutes n’ont pas la même expérience positive. Même si l’escalade est un sport de plus en plus paritaire, les grimpeuses gravissent des obstacles supplémentaires à leurs camarades masculins.
Lesley Liu, une étudiante qui a découvert l’escalade de bloc il y a trois ans, a été témoin de comportements déplacés envers les femmes qui sont, pour elle, une source de frustration.
« Il y a ce qu’on pourrait appeler des microagressions. Quand un groupe de gars a de la difficulté à grimper une voie et que toi, une femme, tu réussis, tout d’un coup, ils deviennent très compétitifs », soupire-t-elle.
« Ce n’est pas parce que c’est un milieu paritaire qu’il n’y a pas de violences sexistes et sexuelles », explique la grimpeuse et militante féministe belge Sophie Berthe.
Elle milite pour que les salles d’escalade reconnaissent l’existence de ces violences, forment leurs équipes et travaillent avec des organisations qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles dans les sports.
Basée à Fontainebleau, en France, Sophie Berthe a lancé le mot-clic «balance ton grimpeur» sur son compte Instagram en mars 2024. Depuis, elle a reçu plus de 57 témoignages de personnes qui ont été témoins ou victimes d’agressions sexuelles ou de comportements sexistes lors de leur pratique du sport.
Grimper en mixité choisie
Certain(e)s se tournent vers des groupes en «mixité choisie», se rassemblant entre personnes marginalisées sans hommes cisgenres. Les espaces en mixité choisie sont ouverts aux personnes trans et non binaires, qui peuvent aussi vivre de la discrimination.
« C’est vraiment important de pouvoir [se regrouper en mixité choisie] pour parler de féminisme, de lutte contre le système patriarcal, d’intersectionnalité et de différentes manières de militer », explique Sophie Berthe.
Il existe des initiatives en ce genre au Québec. Le gymnase montréalais Allez Up organise une fois par mois un atelier réservé aux femmes et aux personnes de la diversité de genre. Le gymnase demeure toutefois ouvert à tous et à toutes pendant l’atelier.
Des exemples au féminin
La grimpeuse, alpiniste et conférencière québécoise Nathalie Fortin a fondé le groupe Des femmes et des lames. Ces cliniques initient de nombreuses intéressées à l’escalade de glace et au « dry tooling », un type d’escalade qui consiste à gravir des parois rocheuses à l’aide de piolets et de crampons.

Il s’y crée un sentiment de communauté, observe l’alpiniste. «Tout le monde s’encourage, les filles sont extraordinaires les unes envers les autres», explique-t-elle.
Nathalie Fortin souhaite faire découvrir son sport à plus de femmes, mais aussi à les aider à trouver des partenaires de grimpe. À ses débuts, elle avait remarqué que la plupart des femmes sur les parois découvraient le sport à travers leur partenaire amoureux.
La doctorante en sociologie à l’Université McGill et grimpeuse Céline Hequet, qui étudie les rapports de genre en escalade extérieure, a observé le même phénomène.
« Les femmes qui sont initiées par leur chum vont devenir moins autonomes en escalade par rapport à celles qui sont rentrées par d’autres moyens, donc par des amis, des membres de la famille ou par elles-mêmes », dit-elle.
Les hommes prennent souvent la sortie en charge, gèrent le risque et, ainsi, centrent les journées d’escalade sur « leurs besoins ». Cette dynamique, selon Céline Hequet, empêche leur partenaire de progresser.
Comme les groupes non mixtes offrent une autre porte d’entrée en escalade que le partenaire amoureux, la doctorante en sociologie dit comprendre leur importance. Elle n’a toutefois pas observé le même déséquilibre quand les femmes et les hommes grimpent entre amis.
« Quand il n’y a pas d’enjeu hétérosexuel, je dirais que les relations homme-femme peuvent être assez égalitaires », précise-t-elle. « Les sources d’inspiration [des hommes] peuvent être autant des grimpeuses professionnelles que des grimpeurs professionnels. »
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