Plus qu’un assemblage de morceaux de tissus, le style vestimentaire a la capacité de permettre à un individu de témoigner de son identité. S’il peut même servir à véhiculer des messages politiques, le pouvoir de l’habillement comporte aussi ses limites.
« Le vêtement, c’est un outil de communication », affirme l’analyste en comportements vestimentaires Luc Breton. Il remarque toutefois une certaine « guerre des messages », parce qu’il peut être difficile de déterminer l’idée que l’on projette ou de saisir correctement celle que véhicule une autre personne. « Plus on veut que le message soit clair, plus ça se peut qu’on frappe fort avec le vêtement », ajoute-t-il.
Et le phénomène n’est pas nouveau : c’est la bourgeoisie qui a été instigatrice, dès le Moyen-Âge, des premières modes afin de se distinguer de la noblesse, rappelle le chargé de cours à l’École supérieure de mode de l’UQAM Philippe Denis. « La mode part souvent de mouvements marginaux, mais est rattrapée très rapidement par le système de la mode », explique-t-il. Le professeur fait notamment référence aux mouvements contestataires punk ou hippie, que les artisans et les artisanes de la mode vont éventuellement s’approprier.
Plus récemment, il pense à la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris qui, lors de son assermentation, le 20 janvier dernier, était vêtue complètement de mauve. Certains et certaines identifient cette décision à un mariage du bleu et du rouge pour représenter l’union entre les partis démocrate et républicain dans un pays très divisé. De son côté, M. Denis y voit un hommage aux suffragettes, ces femmes qui ont revendiqué leur droit de vote au début du 20e siècle et qui arboraient cette couleur. « C’est ça qui est intéressant avec le vêtement : il permet d’engager la réflexion, la discussion », juge l’enseignant au sujet des perspectives différentes que peut donner un vêtement.
M. Denis se remémore aussi le début du mandat de la députée de Québec solidaire Catherine Dorion, en 2018. Elle s’était fait critiquer à répétition pour le choix de ses vêtements lorsqu’elle siégeait à l’Assemblée nationale. Mme Dorion s’était fait reprocher de se présenter vêtue d’un t-shirt ou de bottes de style Dr. Martens, notamment. Sans négliger son importance, M. Denis souligne que « ça reste un t-shirt ». Il croit tout de même que « si le gouvernement avait accepté qu’elle soit en t-shirt pour siéger, c’est comme si on acceptait que les codes vestimentaires qui sont utilisés d’habitude pouvaient être relégués aux oubliettes. » Au-delà d’un morceau de vêtement, « ça marquait un changement de société, de valeurs et d’idéologies », ajoute-t-il.
La propriétaire de l’entreprise de style Les Effrontés, Marie-Claude Pelletier, croit que le vêtement est davantage un outil communicationnel grâce aux réseaux sociaux. Elle croit qu’ils ont permis d’amplifier cette réalité chez les générations qui les utilisent davantage. « Ça va dépendre comment tu le portes et ta façon d’être », nuance-t-elle.
Un véhicule d’affirmation
Luc Breton voit aussi le choix de l’habillement comme une « projection de soi » puisqu’il peut être un moyen de véhiculer nos humeurs. Il croit pourtant que pour devenir un puissant outil, il faut avant tout savoir qui on est.
« Depuis un très jeune âge, la mode a toujours été un moyen pour moi d’exprimer ma créativité, montrer qui je suis, ma personnalité », affirme la créatrice de contenu Cassidy Neves. Sur son compte Instagram, elle partage ses différents habits avec ses abonné(e)s depuis son entrée au cégep.
« Le bon vêtement va avoir un effet sur l’estime de soi », juge Marie-Claude Pelletier. Elle ajoute que si une personne se sent jolie dans ce qu’elle porte, ceci aura un impact sur sa vision d’elle-même, mais aussi sur celle des autres. « Avant même d’ouvrir la bouche, les gens vont t’avoir jugé par ton apparence », estime-t-elle.
Cassidy n’a pas un style prédéfini et peut passer d’une tendance à une autre, selon son état d’esprit de la journée. « Quand j’aime mon outfit, je me sens tellement plus confiante et prête à affronter ma journée », admet-elle. Ses choix vestimentaires restent tout de même très personnels. Elle ajoute que « ce n’est pas pour faire bonne impression aux autres, c’est vraiment parce que ça me permet de bien me sentir dans mon corps. »
Mention illustration Lila Maitre | Montréal Campus
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