« Je porte la jupe » : Comment être l’allié des filles?

Se présenter à l’école en jupe, voilà l’action posée par des garçons du secondaire depuis la semaine dernière pour dénoncer les codes vestimentaires sexistes qui persistent dans les établissements scolaires du Québec. Pour eux, le défi est de savoir comment être un allié dans un mouvement social qui concerne principalement les filles.

« La première chose à retenir c’est de ne pas parler “à la place de”, mais d’agir “en solidarité avec” », statue la professeure titulaire au département de sciences politiques à l’Université de Montréal, Pascale Dufour. 

Selon elle, un allié doit savoir reconnaître sa position de privilège dans la société et l’utiliser afin de créer des occasions de prise de parole pour les personnes généralement mises de côté.

Certaines personnes reprochent à la société d’avoir attendu que des garçons portent la jupe en classe pour s’ouvrir à la cause du code vestimentaire défendue par les filles depuis plusieurs années. Alors qu’on lance des fleurs aux garçons pour leur aplomb, les filles sont encore renvoyées chez elles lorsque leur jupe est jugée trop courte.

« Les directions des écoles secondaires et les médias ont réagi, mais ça fait des décennies que les filles se mobilisent pour protester contre certaines réglementations du code de vie », illustre Mme Dufour, qui se spécialise entre autres en militantisme.

« C’est systémique comme problème », diagnostique-t-elle. La professeure explique que pour une personne féministe, la faute appartient à nul autre qu’au système patriarcal, qui dévalorise la parole des femmes dans l’espace public.

« Pour certaines personnes trans […] l’uniforme genré est problématique », reconnaît par ailleurs Pascale Dufour. Elle ajoute qu’ainsi, la cause ne touche pas seulement les filles des écoles secondaires.

Le combat de tous

Aux yeux des étudiantes et des étudiants concernés par le mouvement, la participation des garçons est aussi importante que celle des filles. « Ce sont des enjeux qui nous concernent tous », insiste l’étudiant à l’école internationale Lucille-Teasdale, Simon Lefebvre-Gagnon, qui a lui-même initié le port de la jupe à son école.

« Je trouve ça vraiment bien que pour une fois, un mouvement féministe inclut aussi les garçons », avoue Cassandre Bau-Plourde, étudiante en cinquième secondaire au Collège Charles-Lemoyne. « Quand je vois des gars porter la jupe dans la rue, je les salue et les remercie de faire partie de ce beau mouvement-là », ajoute-t-elle.

De son côté, Simon croit qu’il serait impensable d’exclure les filles de ce mouvement. L’étudiant en secondaire cinq admet d’ailleurs que tout le crédit ne doit pas être accordé aux garçons.

La jupe comme symbole

« La jupe est le dernier vêtement marqueur de genre », indique Diane Lamoureux, professeure émérite du département de sciences politiques à l’Université Laval. En ce sens, elle explique que les garçons ont tout à fait leur mot à dire pour invoquer un changement dans le code vestimentaire des écoles.

Dans plusieurs écoles où l’uniforme est obligatoire, la jupe ne doit pas être plus courte que cinq centimètres au-dessus du genou. Sans quoi, un certain nombre d’avertissements peut être synonyme de retenues pour les étudiantes. Cette règle, selon plusieurs, en est une démodée qui encourage l’hypersexualisation de la femme.

« Quand quelqu’un voit un gars porter la jupe, on veut qu’il [ou elle] sache qu’on dénonce l’hypersexualisation de la femme et la masculinité toxique », déclare Cassandre, qui a elle-même prêté ses jupes à ses collègues masculins à l’occasion du mouvement qui prend forme.

Adopter la jupe est donc une manière d’affirmer haut et fort que ce n’est pas aux filles de porter une jupe plus longue, mais aux garçons d’être éduqués à ne pas être distraits pas la jupe des filles.

Mais être un allié ne s’arrête pas là. « Il faut être capable […] de porter le même discours dans son quotidien, conclut Diane Lamoureux. Ne pas tolérer les blagues qui ont l’air anodines, mais qui sont porteuses de sexisme [par exemple]. »

Mention illustration Lauren Saucier | Montréal Campus

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