Le premier album du groupe montréalais Sex Machine Octopus, Plastic Scenes, est maintenant disponible au plus grand plaisir de la communauté rock émergente. Un opus éclectique sur lequel quatre rockeurs moustachus et nostalgiques des atmosphères vaporeuses indie des années 2000 se cherchent une voix.
Beaucoup d’encre a coulé entre les débuts du groupe et l’arrivée de ce long jeu. S’étant rencontrés pendant un voyage humanitaire au Costa Rica en 2012, Laurent Boland (chanteur et guitariste), Samuel Morissette (batterie) et Oliver Cohen-Daigle (basse) partagent leur côté mélomane et se trouvent une passion commune pour la musique alternative d’Alt-J et d’Half Moon Run.
D’abord baptisé The Napoleons, le groupe décide que ce nom ne lui colle pas à la peau et, après six mois, adopte un amalgame de mots excentriques pour créer son identité. « On cherchait un nom qui sonnait comme un film de série B qui aurait pu sortir dans les années 80 », explique Oliver lors d’une entrevue accordée au Montréal Campus dans un local de pratique au doux parfum de lessive périmée, situé dans Montréal-Nord.
Trois ans plus tard, entre deux répétitions agrémentées de cigares, les garçons recherchent un deuxième guitariste, en quête d’une plus grande profondeur musicale. Ils trouvent finalement en Georges Gagnon la perle qui complètera le quatuor ; le seul, avec Samuel, qui a suivi une formation musicale au Cégep de Saint-Laurent en guitare classique. Par ailleurs, ces études lui apporteront une autre façon de jouer de son instrument, notamment grâce à l’apprentissage du finger picking et à un héritage musical sortant du carcan de la musique populaire. Georges prendra la guitare rythmique tandis que Laurent Boland, la voix du groupe, campera le rôle de guitariste soliste. « History was written ! », s’époumone le batteur.
La sauce Sex Machine Octopus
Les différents médias culturels qualifient le style du groupe comme étant du rock alternatif flirtant avec la musique d’Arcade Fire et celle de LCD Soundsystem. Un terme générique, certes, mais qui plaît néanmoins à Sex Machine Octopus. Comme premier opus complet, Plastic Scenes offre au groupe, avec ses neuf pistes, la tribune pour explorer et se trouver une voix. Du mélodique et nostalgique (Mother) au nerveux et angoissé (Space Cowboy), les différentes ambiances sont maîtresses. « On se cherche encore une identité, c’est pourquoi on tire la couverture de notre bord et [on] expérimente autant », explique Samuel Morissette.
Le pari est gagné pour cette tendre formation : réussir à jongler avec de nombreuses émotions musicales sans basculer. Parfois, l’énergie d’un morceau est davantage misée sur le rythme de la chanson pour amener un côté dansant, comme dans I Know. D’autres fois, la mélodie et l’émotion sont reines (Misty Fog). La voix de Laurent Boland parvient à honorer le sentiment qui se dégage des morceaux alternant entre le son rauque inhérent au grunge et une voix intimiste évoquant celle de Patrick Watson.
N’ayant pas tous une formation musicale, les membres du groupe font beaucoup d’essai-erreur ; tout se joue à l’oreille. « Je trouve que la théorie musicale peut freiner la créativité. Je ne joue pas en pensant à ce qui sonne bien selon les livres, mais c’est certain que ça fait du bien d’avoir quelqu’un qui comprend la théorie », dit Oliver, rieur, en pointant le guitariste Georges Gagnon.
À l’instar de l’esprit du rock-and-roll, les musiciens s’amusent, expérimentent et beaucoup de leurs trouvailles musicales sont dues au fruit du hasard. Le titre Hidden Tiger // Rolling Thunder met en lumière ce moment de folie où tous les musiciens se sont rassemblés à la belle étoile et ont lancé plusieurs cymbales avec des briques pour s’inspirer de ce chaos organisé.
Le processus créatif du groupe repose bien souvent sur les textes de Laurent Boland, principal compositeur et grand admirateur de l’américain Jeff Buckley. Une mélodie se greffe ensuite autour des paroles. « Nous composons à quatre et nous nous influençons les uns les autres par nos différents goûts musicaux », affirme le chanteur. Le batteur Samuel Morissette ramène quant à lui le groupe sur la voie plus intime et acoustique du folk en s’inspirant de porte-étendards du genre qu’il chérit tels que Neil Young et Bob Dylan. Une chose est sûre : les groupes britanniques Foals ainsi que Radiohead unissent solidement Sex Machine Octopus, malgré quelques réticences de Georges quant à la formation de Thom Yorke.
Préférer Shakespeare à Molière
Le groupe explique avec parcimonie qu’il désire seulement faire de la musique et non de la politique en entrant dans un débat identitaire. « Bien sûr, nous adorons la musique francophone, mais à mes oreilles, les paroles anglophones s’écoutent beaucoup plus fluidement puisque les mots sont plus courts », soutient Georges Gagnon. Quant à lui, Laurent spécifie, sans stigmatiser la musique populaire québécoise, que le rock a été inventé en anglais.
Ce sujet épineux n’a jamais divisé les membres du groupe et ils perçoivent tous la voix humaine comme un instrument en la dissociant des paroles. De façon plus large, le français étant leur langue maternelle, ils le craignent légèrement. « Chanter en français implique une grande part de responsabilité puisque les gens nous comprennent ; les gens écoutent les textes de façon plus littéraire que musicale », affirme Oliver. « En fait, nous sommes trop caves pour chanter en français », s’exclame sarcastiquement Samuel, avec toutefois un fond de vérité.
Deuxième projet pour Sex Machine Octopus après leur EP Fish in the Sea, cet opus au nom hétéroclite, maintenant dans les bacs, sera présenté pour la première fois devant public au Belmont le 23 novembre prochain.
photo: WILLIAM DAVIGNON MONTRÉAL CAMPUS
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