Situé tout juste à côté du Club Soda, sur le boulevard Saint-Laurent, le Montreal Pool Room, un mythique casse-croûte plus que centenaire, attire encore et toujours des fidèles friand(e)s de hotdogs. Plusieurs d’entre eux et elles viennent se remplir les yeux et le ventre de nostalgie.
L’affiche du Café Cléopâtre, de l’autre côté du boulevard, donne l’impression qu’une femme nue jette un regard sur les clients et clientes du casse-croûte. Déménagé en 2010, le Montreal Pool Room était, depuis 1912, voisin de la célèbre salle de spectacle de strip-teaseuses.
À l’intérieur, de vieilles cartes géographiques de la ville de Montréal et des photos antiques recouvrent les murs d’un vert pâle. Bien que cela fasse plus de 30 ans qu’on n’y retrouve plus de tables de billard, le Montreal Pool Room a conservé son nom.
« J’allais de l’autre côté, j’avais 10 ans », raconte l’habitué de la place Michel Tourigny, entre deux bouchées de hotdog. L’homme à la barbe blanche, vêtu d’un polar turquoise et d’une casquette affichant un grizzly, est attablé en compagnie de son fils de 33 ans. « Je viens moi aussi depuis mon enfance », exprime pour sa part Martin Tourigny-Labelle.
« Quand mon père voulait faire plaisir à ma mère, il l’invitait au Montreal Pool Room. À l’époque c’était en bas de 5 $ pour toute la famille », se remémore Michel Tourigny, qui était à l’époque accompagné de ses deux frères. L’homme n’a pas perdu l’habitude de venir toutes les semaines.
« Je ne savais pas trop où amener mes blondes, donc je les invitais toutes là les premières fois. On dirait que ça a bien marché », se souvient l’homme, le sourire au coin des lèvres. La trentaine de fréquentations qu’il dit avoir eues se sont toutes assises sur les bancs de l’établissement, dont sa compagne de 70 ans qui partage régulièrement une table avec lui aujourd’hui.
« On s’attache au lieu, au temps et aux souvenirs qu’on a vécus. Ce genre de lieux sont propices à la nostalgie parce que nos habitudes de vie y sont liées », indique la professeure à l’École des médias de l’UQAM Katharina Niemeyer, qui s’intéresse au phénomène de la nostalgie.
« Évidemment, il faut que le hotdog soit bon pour qu’on y retourne, remarque Mme Niemeyer. Mais on s’y rend aussi parce qu’il y a toute une ambiance autour qui crée un confort émotif ». Le lien émotionnel qui naît de l’habitude de fréquenter un lieu explique l’envie de partager son expérience avec des amis ou de la famille, selon la professeure.
Le secret de la longévité
« On sert les meilleurs hotdogs depuis plus de cent ans », s’exclame fièrement un employé du Pool Room. Celui-ci travaille au casse-croûte depuis maintenant 19 ans. Avant de déménager, l’endroit ne vendait que de la poutine, des frites et son réputé hotdog steamé, partage-t-il pendant que grésille la friture.
Celui qui travaille six jours par semaine au Montreal Pool Room reconnaît parfois des visages familiers, dont certains apparaissent deux fois par semaine. « Plusieurs viennent par habitude », confie-t-il entre deux commandes. Le menu s’est diversifié depuis la dernière décennie, mais les nombreux quinquagénaires ou sexagénaires qui fréquentent l’endroit optent en majorité pour le traditionnel hotdog, observe-t-il.
Les temps changent, les hotdogs restent
« Le banal nous amène à comprendre des complexités sociales beaucoup plus profondes », considère Mme Niemeyer, qui observe que la nostalgie liée à un restaurant ou un commerce est particulièrement patente lorsqu’il y a des changements ou une fermeture.
C’est pour cette raison qu’un casse-croûte n’est pas banal aux yeux de Mme Niemeyer, tout comme le Montreal Pool Room a une saveur toute particulière pour M. Tourigny, dont l’habitude de savourer un hotdog s’est mutée en une véritable « tradition ».
photo: FLORIAN CRUZILLE MONTRÉAL CAMPUS
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