La difficulté d’obtenir du financement en cinéma d’animation contraint certains réalisateurs à faire preuve d’imagination pour amasser les fonds nécessaires à la production de leurs films. Le sociofinancement sur Internet devient une solution de plus en plus préconisée par ces cinéastes.
La réalisatrice canadienne Ann Marie Fleming a choisi de faire appel aux internautes pour le financement de son film Window Horses, présenté en grande première québécoise à la 15e édition des Sommets du cinéma d’animation de Montréal, le 23 novembre dernier. La productrice de la websérie en stop-motion Mouvement Deluxe, Johannie Deschambault, a également favorisé cette méthode pour le développement d’une deuxième saison. Les deux femmes ont utilisé la plateforme web IndieGoGo pour mettre leur campagne sur pied.
« C’est un travail à temps plein. Il faut s’occuper de la campagne, contacter les gens et créer sans cesse du nouveau matériel [pour les internautes]. explique Ann Marie Fleming. À première vue, on pourrait penser qu’il y’a une grosse compagnie derrière tout ça, mais dans les faits, c’est seulement moi »
Johannie Deschambault abonde dans le même sens. « C’est très demandant, nous désirions publier des capsules chaque semaine. Si tu fais juste lancer ta page et puis que tu ne fais rien, c’est sûr que tu n’atteindras pas tes objectifs», déclare la productrice. « C’est vraiment la création de contenus [pour la campagne] qui rend ça difficile », poursuit-elle
Ann Marie Fleming rapporte que pour qu’une campagne fonctionne, une contribution personnelle est parfois nécessaire. « Sur la page du financement, ça dit que nous avons amassé 83 000 $. Une partie de ce montant vient de mon propre portefeuille […] il faut que ça bouge constamment. Il ne peut pas y avoir une seule journée où ça stagne », affirme Mme Fleming.
Quand le succès n’est pas au rendez-vous
Si la campagne de sociofinancement de Window Horses a été un succès, ce n’est pas le cas pour les plus petites productions, comme la série Mouvement Deluxe. « Pour la première saison, nous avions reçu du financement des Fonds indépendants de productions (FIP), rappelle la productrice de la série, Johannie Deschambault. Malheureusement, le montant offert par le FIP n’était pas assez élevé pour que nous produisions une saison 2 », déplore-t-elle.
Selon Mme Fleming, les coûts de production élevés pour les films d’animation réalisés en stop-motion rendent difficile l’obtention de subventions. « De l’argent, il n’y en a pas, surtout pas en Web », explique-t-elle.
Même si son objectif de financement n’a pas été atteint, Johannie Deschambault précise que l’argent qu’elle a amassé sert tout de même au développement de la série, notamment en postproduction « On travaille actuellement sur une version anglaise. C’est un projet qui nous tient à cœur, on n’était pas prêt à le laisser mourir. On se croit les doigts pour qu’on puisse réaliser une saison deux », exprime la productrice.
Pour Sébastien Perier, réalisateur du film d’animation The Mythomen Movie, les bienfaits du sociofinancement dépassent l’apport en subventions. « Cela nous permet d’avoir une petite communauté dès le départ, ce qui peut peser dans la balance lors de négociations avec des distributeurs ou des coproducteurs. Cela permet aussi d’avoir un peu plus d’indépendance », indique le réalisateur dont la sortie de son film est prévue pour décembre 2017.
De son côté, Mme Deschambault ne pense pas que la campagne que son agence de création Sport a menée a apporté d’autres avantages que l’aspect financier. « Il arrive que le crowdfunding apporte plus de visibilité, mais dans notre cas, on l’avait déjà. Ça n’a donc pas donné grand-chose », enchaîne-t-elle.
Payer de sa poche pour se financer
Ann Marie Fleming et Johannie Deschambault soulèvent par ailleurs que la production de contenu dans les campagnes de sociofinancement peut engendrer des coûts non négligeables « La campagne est terminée et je suis encore en train d’envoyer des trousses de récompenses. Je vais me retrouver avec des milliers de dollars en frais d’expédition », ajoute Ann Marie Fleming.
Du côté de Mouvement Deluxe, on indique avoir réfléchi aux différents frais avant le lancement de la campagne « à part les affiches, la totalité du contenu qu’on a produit pouvait se diffuser en ligne. On a justement pensé le tout de cette façon pour ne pas avoir trop de frais », souligne Johannie Deschambault.
Malgré les embûches rencontrées en cours de route, Ann Marie Fleming se dit satisfaite de sa campagne. « C’est vraiment incroyable quand des gens de partout sur la planète vous donnent de l’argent pour votre projet. [Un film], ce n’est pas quelque chose qu’on peut utiliser, c’est du contenu. Peut-être qu’ils n’auront jamais la chance de le voir, mais ils participent tout de même à sa création parce qu’ils y croient et veulent vous aider! Ça donne de l’espoir, ça vous aide à continuer », lance la cinéaste avec émotion.
Photo: GRACIEUSETÉ D’ANN MARIE FLEMING
Window Horses a été présenté en première québécoise à la 15e édition des Sommets du cinéma d’animation de Montréal, le 23 novembre dernier.
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