Encore aujourd’hui, les femmes musulmanes qui portent le hijab seraient plus susceptibles d’être stigmatisées, particulièrement dans une grande métropole comme Montréal, comme ont témoigné certaines d’entre elles lors d’une discussion qui se tenait au Conseil interculturel de Montréal le 10 novembre dernier.
Dalila Awada, étudiante à l’Université de Montréal et militante féministe, souligne que les femmes musulmanes vivent une situation complexe, particulièrement dans une grande ville comme Montréal. « Certaines femmes musulmanes sont facilement identifiables – nous portons parfois le hijab – et sont donc plus susceptibles de vivre de la discrimination. Prouver que vous n’êtes pas soumise en étant opprimée, mais ne pas avoir l’air trop menaçante à la fois, ce n’est pas évident », avance-t-elle. Pour l’ensemble des conférencières et conférenciers présents à la discussion, ces « jugements de valeur » sont des exemples de l’islamophobie qui se définit comme étant « l’ensemble des actes de discrimination, de haine et de rejet envers les musulmans et l’Islam ».
Certaines femmes commencent à porter le hijab seulement quelque temps après s’être converties. C’est le cas de Cora LeMoyne, qui a l’impression que le port du voile a fait en sorte que les autres la regardaient différemment. « Ça a transformé une petite fille de Granby en une drôle de “bibitte bizarre”. Les gens nous considèrent vraiment comme une race », confie-t-elle.
L’université et l’ouverture d’esprit
Yassine Rahmouni est étudiant à l’Université McGill et pratique la religion musulmane depuis son enfance. Pour le jeune homme rencontré plus tard par le Montréal Campus, les universitaires sont souvent plus ouverts d’esprit. D’après son expérience, il semblerait y avoir une plus grande tolérance entre les quatre murs de l’Université, comparativement à ce qu’il a pu constater dans la vie civile. « Il y avait un atelier [à l’université] qui visait à exposer aux élèves les sensibilités particulières des différentes religions afin de mieux les respecter », précise-t-il. Il soutient que les étudiants font très attention aux vêtements qu’ils portent en classe ou dans les fêtes, de manière à ce qu’aucune appropriation religieuse ne soit faite.
Dalila Awada pense que des efforts plus poussés du gouvernement du Québec et de la mairie de Montréal sont nécessaires afin d’éradiquer le problème, pas seulement à l’université. « On nourrit cet univers fantasmé de l’Islam. Les politiciens québécois prononcent les mots “laïcité” ou “neutralité” sans en comprendre la portée et le sens. Quand ils les utilisent dans des contextes populistes, ils savent que cette carte-là fonctionne. Ils gardent la population dans l’ignorance et entretiennent les confusions », s’exclame-t-elle.
Des éléments de solutions
Bien que le gouvernement Couillard ait fait des efforts depuis les dernières années, le phénomène persiste à Montréal, selon les conférencières et conférenciers. Cora LeMoyne est d’avis qu’il existe des solutions qui pourraient déconstruire l’idée péjorative de l’Islam et limiter les dégâts qu’elle peut créer. « Le Service de Police de Montréal (SPVM) doit encourager les femmes, qui sont souvent craintives, à porter plainte lorsqu’elles sont victimes d’un acte ou d‘un crime haineux juste parce qu’elles sont immigrantes. Il faut donner une image de répression. Il est aussi possible de faire de la publicité dans les écoles et de sensibiliser la population aux enjeux que l’islamophobie apporte », croit-elle.
Yassine Rahmouni constate également que dans les petites villes où les minorités sont plus visibles, la population est plus encline à subir un effet Pygmalion: l’image de l’Islam est alors dépendante du comportement des musulmans qui sont leurs voisins. Ceci pourrait être la meilleure arme contre l’islamophobie, dans la mesure où les musulmans s’intègrent et sont bien acceptés par les gens qu’ils côtoient régulièrement.
Photos: FÉLIX DESCHÊNES MONTRÉAL CAMPUS
Photo principale: Dalila Awada, étudiante à l’Université de Montréal et militante féministe
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