En période financière difficile, l’UQAM a consenti à octroyer plus d’un million de dollars en primes de marché pour des professeurs considérés comme des sommités dans leur domaine.
Selon les documents obtenus par le Montréal Campus, l’UQAM a dépensé 1 037 536$ pour payer des primes de marché à 86 professeurs. C’est ce qu’indique une lettre reçue du secrétariat général de l’UQAM suite à une demande d’accès à l’information. L’octroi de primes de marché est une pratique encadrée par la convention collective signée par le Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ), se défend la direction de l’Université. «Les règles d’attribution et les normes régissant les primes de marché à l’engagement ou en cours d’emploi sont conventionnées et balisées, c’est-à-dire qu’elles font partie du contrat collectif de travail des professeurs», explique par courriel la porte-parole de l’UQAM, Jenny Desrochers.
Ainsi, le fond réservé à ces primes ne peut dépasser 1% de la masse salariale des professeurs et la prime accordée ne peut pas dépasser 20% du salaire en vigueur au moment de la demande. «Les critères d’attribution d’une prime de marché sont : la rareté des personnes de haut calibre dans la discipline ou le champ d’études concerné, l’excellence du dossier de la personne candidate, la sollicitation d’un autre établissement, s’il y a lieu, et ce, en considérant principalement les besoins prioritaires du département», précise Jenny Desrochers.
Monopole de l’ESG
Après consultation des procès-verbaux du Comité exécutif de l’UQAM, par où transitent toutes les demandes de primes de marché, il est possible de constater que la grande majorité des professeurs ayant obtenu un tel traitement provient de l’École des sciences de la gestion (ESG). Entre les années 2013 et 2015, plus de la moitié des primes octroyées ou renouvelées l’ont été pour des professeurs issus de l’ESG, soit 40 sur 63.
Au cours de cette même période de trois ans, les départements de mathématiques, de science biologique, d’informatique, de chimie, de psychologie, de sexologie, de linguistique, d’études littéraires et d’éducation ont octroyé l’autre 40% des primes de marché.
Après une dizaine de tentatives (courriel, téléphone et en personne) pour rejoindre les représentants du Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ), aucune réponse n’a été accordée au Montréal Campus. Le SPUQ représente la totalité de ces professeurs qui reçoivent ces primes de marché.
Quand on se compare…
Après avoir effectué la même démarche auprès de diverses universités du Québec, il a été possible de comparer le traitement réservé aux professeurs à Concordia, à l’Université de Montréal, à l’UQAC, à l’Université Sherbrooke, à McGill et à l’École Polytechnique de Montréal. La première est celle qui dépense le plus à cet égard avec un budget de près de 3,5 millions de dollars pour 244 professeurs sélectionnés. Concordia, l’Université de Montréal et l’UQAM dépassent toutes le 10 000$ de moyenne par professeur, alors que les autres universités consultées dépensent en moyenne autour de 6000$. La plus généreuse envers ses professeurs est l’UQAC, où quatre élus se partagent la cagnotte de 108 318,92$, soit une moyenne de 27 079,50$ par professeur.
La porte parole de l’université de Concordia Christine Mota ne trouvait pas d’explications pour justifier ces montants quand elle a été contactée au téléphone. «Ces primes de marché nous permettent d’attirer et de retenir des professeurs dans certaines disciplines où le marché est très compétitif, comme en business et en ingénierie. Toute les universités doivent le faire si elles veulent des personnes compétentes dans ces disciplines», se défend-t-elle dans un courriel reçu quelques jours plus tard.
Sur l’île de Montréal, l’UQAM et McGill sont les deux universités où le traitement des primes de marché est réservé à une plus petite proportion du corps professoral (respectivement 7% et 2%), alors que Concordia et l’Université de Montréal dépensent beaucoup plus, mais pour un plus grand bassin (23% et 25% des professeurs).
La porte-parole de l’UQAM met toutefois en garde contre toute analyse comparative avec d’autres institutions d’enseignement. «Les comparables des primes de marché entre les universités donnent une fausse image de la réalité, estime Jenny Desrochers. Il faut prendre en compte le contexte global de la rémunération pour chaque établissement.» Or, si la grande majorité des professeurs sont syndiqués, les écarts salariaux sont effectivement notables, surtout dans la progression de ceux-ci. À titre d’exemple, un professeur titulaire à l’UQAM pouvait, en 2014, espérer gagner de 99 000$ à 134 000$ annuellement, alors qu’à l’Université de Montréal la fourchette était de 102 000 à 138 000$ et de 99 000$ à 141 000$ à McGill. À cet égard, l’UQAM se trouve bien souvent qu’autrement en queue de peloton. À vouloir jouer dans la cour des grands, l’UQAM semble en payer le prix.
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