Le monde de la console appuie sur le champignon et mise maintenant sur les comédiens pour prêter leur voix aux descendants de Mario Bros. Le doublage de jeux vidéo offre de nouvelles perspectives aux acteurs d’ici.
L’époque n’est pas si lointaine où le seul mot que savait prononcer Mario Bros. était son nom lorsqu’il dépassait son adversaire dans le jeu Mario Kart. Aujourd’hui, les graphiques rudimentaires et les onomatopées ont fait place au 3D et aux dialogues sophistiqués. Des comédiens québécois prennent le volant de l’industrie et font résonner leur voix.
Le président de l’Union des artistes (UDA), Raymond Legault, se réjouit de l’essor de l’industrie multimédia au Québec. «Pour nous, l’apparition de ce nouveau marché est une bonne nouvelle. Ça signifie plus d’opportunités d’emploi pour les artistes d’ici.» Selon les chiffres fournis par l’UDA, en 2010, le doublage de jeux vidéo aurait rapporté un montant total de 29 219$ pour 23 artistes différents. En 2012, ce montant a grimpé à 442 645$ pour 138 artistes.
Pour répondre à la demande de l’industrie du jeu vidéo et de se placer dans le peloton de tête, l’UDA a mis en place une formation spécifique pour ses membres. «C’est très différent du doublage traditionnel. On veut fournir à l’industrie des gens qui ont déjà les connaissances nécessaires pour faire ce nouveau type de postsynchronisation», explique fièrement le président de l’organisation. Enregistrer toutes les répliques de la quête d’un Link à la recherche de sa Zelda prendrait douze fois plus de temps que pour un long-métrage moyen. «Une réplique peut-être dite d’une multitude de manières différentes dépendamment de ce qui vient de se passer dans le jeu. Il faut enregistrer les répliques pour toutes les interactions possibles», élabore le président.
Par exemple, le jeu Assassin’s creed III produit par la compagnie Ubisoft a nécessité quatre semaines de travail pour 25 000 répliques dites par 500 personnages différents. Un total de 100 comédiens a été appelé à prêter sa voix aux protagonistes du jeu à succès.
De débutant à expert
L’expérience est loin d’être déplaisante pour les comédiens qui se prêtent au jeu. «Ça passe vite! J’en aurais fait encore et encore!» raconte Martin Perreault, un comédien québécois qui a prêté sa voix à plusieurs petits personnages pour la franchise Assassin’s creed.
L’UDA a d’ailleurs travaillé en collaboration avec le studio québécois Game On, qui est entre autres derrière le doublage du célèbre jeu , pour élaborer sa formation. L’entraînement des comédiens dure 53h et est offert à deux groupes de 16 personnes à la fois. La deuxième cohorte du programme complètera son entraînement en mars 2013. Même si la formation s’est révélée très populaire auprès de ses membres, l’organisation n’a pas encore donné le go pour une troisième cohorte. «Nous prenons une pause. Avec les comédiens qui ont déjà suivi la formation, il y a suffisamment de voix pour le marché», explique Raymond Legault. L’UDA désire aussi prendre le temps de faire le point sur l’expérience pour s’adapter à l’industrie qui est en constante évolution.
Gabriel St-Onge était jusqu’à tout récemment conseiller et testeur de jeux pour la compagnie Beenox basée à Québec. Il a observé que l’approche créatrice derrière les jeux vidéo était de plus en plus cinématographique. «Les créateurs conçoivent les jeux vidéos comme des œuvres d’art. Ils portent une attention particulière à tous les aspects, dont les dialogues», décrit-il, passionné.
Si les possibilités qu’offre l’industrie qui a vu naître Mario Bros. sont emballantes, le président de l’UDA se montre réaliste. «Il ne faut pas penser que ces nouvelles opportunités vont permettre à des artistes de rouler sur l’or. Ça leur permet d’arrondir leurs fins de mois.»
Pour le français, appuyer sur start
Le doublage effectué au Québec est destiné à la francophonie dans son entièreté. Les amateurs de jeux vidéo québécois ne doivent donc pas s’attendre à entendre parler leurs avatars préférés avec un accent d’ici, précise Raymond Legault. «Le marché est international et le français parlé doit l’être aussi», juge-t-il. L’UDA n’envisage pas, pour le moment, d’exiger que les jeux offerts en français au Québec soient doublés ici comme ils l’ont déjà revendiqué pour le cinéma. «Pour ce faire, il faudrait que des lois protectionnistes soient adoptées par le gouvernement. Ce n’est pas la direction que nous voulons prendre», assure le président de l’organisation. Il importe aussi, selon lui, de ne pas faire fuir les compagnies qui font appel à l’expertise québécoise. «La compétition avec les autres pays est féroce. Il faut en tenir compte dans notre évaluation de la situation», souligne-t-il.
Si le marché du doublage de jeux vidéo était une course dans le célèbre jeu Mario Kart, l’industrie québécoise aurait de bonnes raisons de crier son nom en dépassant l’adversaire dans sa voiturette de course. Il lui reste encore toutefois bien des tableaux à débloquer avant de pouvoir affirmer fièrement avoir «passé la cassette».
Illustration: Émilie Drapeau
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