Les professeurs contestent le gel d’embauche décrété sans préavis par l’UQAM, tandis que les directeurs de départements restent zens et tentent plutôt de négocier avec la haute direction.
La nouvelle est tombée comme une tonne de briques le 24 février dernier: le rectorat a annoncé le report de 77 nouveaux postes promis aux enseignants, sans consulter son personnel. Alors que le syndicat des professeurs (SPUQ) est prêt à prendre les armes, les directeurs de département s’accommodent calmement de la situation.
Il y a trois ans, les professeurs ont brandi pancartes et slogans pour obtenir une convention collective équitable. Ils avaient arraché au recteur la promesse de créer 175 nouveaux postes pour les instituteurs avant 2014. Le mois dernier, le recteur Claude Corbo a pourtant décidé de reporter ces embauches vers des dates indéterminées. Le SPUQ a tout de suite réagi en publiant, le 6 mars dans son bulletin mensuel, un communiqué incendiaire dénonçant la décision dite unilatérale du recteur. «Il s’agit là d’une violation, non seulement d’articles de la convention collective, mais des instances légitimes de l’UQAM sur la base d’un coup de force venant d’une seule personne [le recteur]», affirme Jean-Marie Lafortune, le troisième vice-président du Syndicat des professeurs. Il déclare du même coup que la confiance des enseignants envers Claude Corbo est dorénavant perdue. D’après le SPUQ, le report d’embauche ternit l’image et la réputation de l’UQAM, viole les règles d’équité et de confiance entre la direction et les enseignants, en plus de chambouler l’activité des départements.
Le SPUQ ne compte pas baisser pavillon de sitôt et compte employer des moyens de pression. Puisque la convention collective est encore en vigueur, une grève est hors de question, mais le syndicat a une autre carte dans sa manche. Dans un grief déposé le 6 mars, les syndicalistes ont dénoncé la décision du recteur prise sans l’aval de la Commission des études et de la Sous-Commission des ressources. En temps normal, ces deux instances doivent analyser la proposition et la reléguer au conseil d’administration qui a la charge de prendre une décision finale sur l’octroi des postes. Or, d’après le SPUQ, le recteur a fait fi de ces étapes et a balancé la nouvelle sans aucun préavis aux directeurs de département.
«Le gel est fondé sur des anticipations, comme quoi la session d’été n’aurait peut-être pas lieu et que l’UQAM n’aurait pas autant d’argent souhaité», mentionne Jean-Marie Lafortune. Le recteur a aussi invoqué les conséquences appréhendées de la grève générale illimitée pour le report des postes. La décision de l’arbitre de grief ne sera pas connue avant plusieurs mois. Selon le SPUQ, la direction n’entrera pas en négociations avec les professeurs et compte sur ce délai pour avancer le dossier en solo.
La situation semble moins orageuse chez les directeurs de départements. Au lieu de parler d’un gel des embauches, ils préfèrent employer le terme «ré-étalement» des postes pour décrire la situation. Les emplois sont toujours accordés, mais les dates d’embauche ont été reportées. Au départ, 35 directeurs ont écrit ensemble une lettre dénonçant la décision du recteur prise sans consultation. Après réflexion, ils ont mis leurs différends de côté pour travailler de pair avec leurs patrons. «En ce qui me concerne, on a eu la démonstration dans les deux dernières semaines que, quand on connait les vraies choses, on peut travailler avec l’administration et arriver à des solutions, même si elles ne sont pas parfaites», remarque le directeur du département de sciences biologiques Yves Prairie. Depuis plus d’une semaine, les directeurs des départements de l’UQAM sont régulièrement en réunion avec le vice-recteur à la vie académique, Robert Proulx, pour minimiser les impacts du ré-étalement.
Selon le Syndicat, c’est le Plan directeur immobilier (PDI) qui devrait subir des coupes de budget. Ce plan vise à reconstruire et déménager les locaux et pavillons de l’UQAM pour donner plus d’espaces aux facultés d’ici 2016. En 2011, la facture de ce projet était estimée à plus de 35 M$. «L’UQAM compte chercher cet argent-là avec des économies sur le fonctionnement académique des départements et donc de l’enseignement des activités qui ont lieu à l’intérieur de l’université», évoque Jean-Marie Lafortune. En diminuant les embauches, il y aurait moins de professeurs à payer et donc plus d’économie pour la réorganisation de l’Université du peuple. Par contre, le SPUQ affirme que le rectorat craindrait un manque d’espace pour les nouveaux arrivants. Malgré tout, le Syndicat reste inflexible: il faut reporter le PDI pour prioriser l’embauche.
«Le syndicat a voulu faire un lien plus étroit entre le PDI et le gel. Selon le SPUQ, on ne reporte pas les embauches et on va prendre l’argent qui manque dans le PDI, mais sa raison d’être est de donner de l’espace aux nouveaux profs engagés», note Yves Prairie. Le ré-étalement des postes et le PDI ont deux budgets séparés qui peuvent difficilement être mélangés, ajoute le directeur du département d’histoire de l’art, Jean-Philippe Uzel. Contrairement à leurs délégués syndicaux, les directeurs s’accommodent une fois de plus à la tempête. «Je peux comprendre l’administration de ne pas vouloir s’engager dans une démarche qui risque de la voir dans une situation financière précaire. Même si la décision de reporter l’embauche n’était pas une nouvelle agréable, cela va probablement être bénéfique de prévoir un étalement graduel tout de suite», rapporte Yves Prairie.
Le rectorat trouve prématuré de commenter le débat en cours. «La situation évolue de jours en jours, il y a eu des pourparlers et des rencontres, mais on est pas encore prêt à en parler. Éventuellement il y aura des mesures annoncées pour faire suite au dossier», conclut la directrice par interim des communications de l’UQAM, Jennifer Desrochers.
*Photo du recteur de l’UQAM, Claude Corbo
Crédit photo: Andrey Ivanov
Illustration: Sophie Chartier
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