Symphonie en 8-bit

Illustration www.simonbanville.com 

Pendant que des orchestres classiques réinventent la musique des jeux vidéo qui ont fait vibrer nos sous-sols d’enfance, des amateurs d’électro adoptent l’Atari comme instrument de prédilection.


Autobus numéro 45, direction Nord, un mardi matin. Au fond du véhicule, un homme dans la vingtaine a la moitié du visage couverte par une immense paire d’écouteurs. Ses mains pianotent sur un Game Boy, le vieux modèle, gris et imposant. Mais ne cherchez pas les cubes de Tetris sur l’écran, ni une princesse à délivrer. Il compose plutôt sa prochaine pièce musicale, version chiptune.

Le chiptune est un style musical né à la fin des années 1990 et qui ne cesse de faire des adeptes. Le concept est simple: utiliser les cartes de son de vieilles consoles de jeux vidéo pour écrire de la musique. Il suffit d’insérer une cartouche de programmation sonore dans une console originale pour transformer un Nintendo en un instrument de musique.

Manuel Chantre est un de ces artisans qui ont choisi de manier les sons 8-bit. Après avoir assisté à un concert réunissant plusieurs pionniers du genre au festival Arcadia en 2005, il s’est rapidement mis à la composition et performe depuis sous le nom Taxi Nouveau. Il organise également les soirées Toy Company, un spectacle multimédia qui rassemble dans la métropole divers musiciens du mouvement chiptune.

«Le seul élément qui nous réunit, c’est l’utilisation d’une console, explique Manuel Chantre. Chaque artiste a son propre style et utilise le Game Boy de façon unique, le combine avec d’autres sons. À notre prochaine soirée, prévue pour le 13 février, il va y avoir Noya, qui a sur scène un guitariste et un batteur. Il y en a d’autres qui ont des portables, ou qui vont chanter. La console devient de plus en plus un instrument comme les autres, un peu comme une guitare.» Pour sa performance, Taxi Nouveau intègre quant à lui des cartes de Noël musicales dont les circuits sont modifiés pour produire une mélodie différente.

Avant toute chose, le chiptune est influencé par la trame sonore originale des consoles utilisées. «Plusieurs compositeurs s’inspirent des thèmes et de la sonorité des jeux vidéo, en intégrant par exemple des passages musicaux épiques», explique Guillaume Potvin, qui performe sous le nom de DreamSoda. La sonorité du chiptune fera certainement couler une larme sur la joue des nostalgiques de Duck Hunt ou Punch-Out. Cependant, l’expérience est plus qu’un retour aux souvenirs d’enfance. «Certains ont un style plus « jeux vidéo », mais ce qui est le fun, c’est d’intégrer des éléments de cet univers-là et les insérer dans la musique d’aujourd’hui», croit Manuel Chantre. «Le plus dur, c’est de trouver comment rendre ça intéressant live, explique Guillaume Potvin. Sinon, c’est juste regarder un gars avec un Game Boy dans les mains qui a l’air de jouer à Super Mario

 

Nostalgie, version Nintendo

La musique chiptune s’inscrit dans un mouvement qui ne semble pas près d’arrêter, celui de la popularité sans cesse grandissante des trames sonores de jeux vidéo. La série de concerts Video Games Live, qui combine orchestres symphoniques et musique de Sonic ou Final Fantasy, annonce guichets fermés partout où elle passe. Au moment d’écrire ces lignes, la chanson thème du premier Super Mario était la troisième sonnerie de téléphone cellulaire la plus populaire aux États-Unis et avait sa place sur le palmarès Billboard des sonneries depuis plus de quatre ans.

Montréal n’échappe pas à la vague. Un orchestre de quarante-cinq membres dédié exclusivement à l’interprétation de musique de jeux vidéo vient tout juste de faire ses débuts dans la métropole en interprétant des arrangements classiques des musiques de Zelda, Megaman et autres Donkey Kong. «Ce qui m’attire dans la musique de jeux vidéo, c’est la variété, explique le directeur musical de l’orchestre, Jocelyn Leblanc. Il y a une utilisation des extrêmes très importante. Ça va du pop au rock, avec des passages très techno, ça peut être une mélodie simple ou une pièce beaucoup plus complexe, plus profonde.»

«J’aime cette musique-là, explique pour sa part un amateur du genre, Philippe Samson. Quand j’entends des mélodies que j’aime dans une orchestration bien faite, avec de vrais instruments, je me dis que c’est vraiment quelque chose qui mérite une grande place dans ma playlist. Un groupe de funk ou de jazz qui fait des chansons de Zelda et de Mario, c’est vraiment spécial.»
Si l’amateur de compositions 8-bit aime ces nouveaux arrangements, il ne crache pas pour autant sur les classiques. «J’ai déjà eu une sorte de rage Tetris il y a environ un an, et une des premières chose vers laquelle j’ai foncé tête première c’est la chanson originale, Korobeiniki.»

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