Si Dieu a le don d’ubiquité, c’est peut-être grâce aux nouvelles technologies. En 2011, les hommes d’Église clavardent, twittent et publient sur ton mur.
Bienvenue sur GodTube.com. La page Internet charge juste avant qu’une vidéo débute. Un garçon de 11 ans déclame la révélation de Jésus, l’illustrant avec des versets bibliques appris par cœur. Des musiciens l’accompagnent. Emportée par le discours, la musique amorce un crescendo. En guise de finale, le jeune prédicateur remercie celui qui dirige sa vie, sa déclaration noyée dans la musique et les applaudissements nourris de ses spectateurs. Parmi les 400 000 utilisateurs ayant vu la vidéo, 257 ont laissé des commentaires, la plupart touchés, parfois «en pleurs» devant la beauté de l’extrait.
Vidéos publiées sur GodTube, applications iPhone pour trouver l’église la plus proche de chez vous, Pope2you.net et fichiers balados retransmettant les messes du dimanche matin: les croyants du XXIe siècle déversent leur liturgie sur la toile. «Aux États-Unis, Twitter est de plus en plus employé lors des messes, permettant une interaction en temps réel entre ouailles et pasteur», explique Jean-Philippe Deschênes, chargé de cours au département de lettres et communications sociales de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Ainsi, les fidèles peuvent directement twitter le pasteur en pleine messe.
«Le pasteur en fait ce qu’il veut, commente Jean-Philippe Deschênes. Il peut par exemple structurer sa messe en fonction des messages qu’il reçoit.» De l’autre côté de l’Atlantique, le prêtre italien Paolo Padrini a mis au point, en juillet dernier, une application qui permettra aux prêtres de célébrer la messe avec une ardoise électronique, en remplacement du traditionnel missel.
Dieu.com
Selon François Gauthier, professeur au Département de sciences des religions de l’UQAM, l’impact d’Internet et de la société de consommation explique en partie le virage technologique emprunté par certaines Églises. «Le religieux n’est pas un bien ou un service comme un autre, mais il est soumis à la culture ambiante où il faut être visible, développer une identité de marque», analyse-t-il.
En Montérégie, les membres du diocèse catholique de Saint-Jean-Longueuil sont présents depuis février 2010 sur le Web. Ils alimentent un blogue, twittent et sont même sur les réseaux sociaux. «L’idée de s’activer sur la Toile est née d’un désir de visibilité, raconte l’adjointe aux communications et responsable du contenu Web et des médias sociaux du diocèse, Myriam Balian. Notre présence sur le Web est essentielle pour accrocher les internautes en quête de réponses à leurs questions d’ordre religieux.» François Gauthier va dans le même le sens. «Les gens surfent sur le Web avec des questions existentielles, pas nécessairement à la recherche d’une Église. Les groupes religieux présents en ligne visent les gens en quête, sans nécessairement savoir qui.» Désormais, être sur la Toile signifie exister, tout simplement, et les Églises ne veulent pas faire une croix sur le Web 2.0.
L’arrivée des technologies transforme aussi l’exercice de la foi, mais de façon distincte selon les différents courants chrétiens, comme le précise François Gauthier. «Pour les catholiques, aller à l’Église, c’est collectif. Or, les applications religieuses sur les iPhone, par exemple, témoignent d’une individualisation de la pratique, plus typique des Églises protestantes, pentecôtistes ou autres.» Jean-Philippe Deschênes, chargé de cours à l’UQTR, abonde lui aussi en ce sens. «Le pape actuel est le premier à posséder une page Facebook et un compte YouTube. Mais les protestants, en particulier le mouvement évangélique, ont beaucoup d’avance sur l’Église catholique.»
Au Grand Séminaire de Montréal, l’abbé Télésphore Gagnon ne blogue pas, bien qu’il voit le mariage des technologies et de la religion d’un bon œil. Dans la formation des futurs prêtres catholiques, il utilise le projecteur et Internet. «C’est fini le tableau noir, s’exclame celui qui cumule plus de 43 ans d’expérience dans le métier. Les technologies mettent davantage la foi en évidence, et c’est tant mieux.» Selon lui, plus la bonne parole sera professée, plus la population se rendra compte qu’elle n’est «pas méchante».
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