L’homosexualité dans l’enceinte des églises catholiques
Pendant que le pape Benoit XVI continue de dénoncer l’homosexualité, une église montréalaise leur tend la main. Visite de l’église Saint-Pierre-Apôtre, où l’enfer est rouge, mais le ciel est rose!
Dans le bureau d’Yves Côté, responsable de la pastorale à l’église Saint-Pierre-Apôtre, règne une croix hors du commun. Loin des crucifix traditionnels, elle est pourvue des couleurs de l’arc-en-ciel, symbole qui en dit long sur l’orientation de l’institution.
Tandis que la présence des fidèles québécois aux cérémonies dominicales est en chute libre, l’église Saint-Pierre-Apôtre, située en plein cœur du Village gai, enregistre des taux de participation record chaque dimanche.
Yves Côté a tourné le dos à l’Église catholique pendant près de 25 ans, n’y trouvant pas sa place en tant qu’homosexuel. Et avec raison. L’article 2396 du Cathéchisme de l’Église catholique dénonce l’homosexualité comme «péché gravement contraire à la chasteté» au même titre que «la masturbation, la fornication et la pornographie».
Mais, en 1993, en entendant sonner les cloches de Saint-Pierre-Apôtre, ce dernier a ressenti le besoin de mettre les pieds dans l’église. Devant l’autel, le prêtre de l’époque, fraichement débarqué dans le «Village», prononçait sa toute première homélie. Le ministre du culte expliquait avoir accepté son poste à la condition «d’ouvrir toutes grandes les portes [de l’église] aux personnes désireuses d’ouvrir leur foi, peu importe leur orientation sexuelle».
Après l’écoute de ce discours et une longue discussion avec le curé, Yves Côté a été employé par le prêtre avec pour mission d’encourager d’autres homosexuels, qui avaient tourné le dos à l’Église, à revenir en son sein.
Église ouverte
Dans l’ombre de la tour de Radio-Canada, à l’angle de la rue de la Visitation et du boulevard René-Lévesque, le clocher de Saint-Pierre-Apôtre cache une église au grand chœur. Chaque dimanche, près de 200 fidèles viennent se recueillir, rue de la Visitation. De ce nombre, la grande majorité est homosexuelle, selon Yves Côté. Tous ces habitués de la messe ne proviennent pas uniquement du quartier gai. La diaspora de Saint-Pierre-Apôtre «s’étend de Longueuil à Saint-Jérôme, en passant par Laval», affirme son responsable de la pastorale.
L’église Saint-Pierre-Apôtre est par ailleurs très impliquée auprès de la communauté homosexuelle. En plus de publier certaines publicités dans le magazine gai Fugues, elle dispose, chaque année, pendant la semaine de la Fierté gaie, d’un stand sur la rue Sainte-Catherine. Afin de couronner la semaine de festivités, l’église célèbre «sa propre messe de la fierté, fierté d’être de dignes fils et filles de Dieu», révèle Yves Côté.
Le bonheur chez les Anglicans?
Si des initiatives comme celles de Saint-Pierre-Apôtre ont su renouer les liens entre certains acteurs de la communauté homosexuelle et le catholicisme, d’autres désirent aller plus loin. C’est le cas de Donald Boisvert, professeur de théologie à l’Université Concordia et candidat à la prêtrise dans l’Église anglicane. Même s’il soutient «ne pas renier» l’Église catholique, Donald Boisvert a jugé bon de joindre les rangs anglicans, puisqu’il estime qu’en tant qu’homosexuel, les autorités catholiques «ne l’auraient jamais admis comme candidat à l’ordination».
Donald Boisvert n’est par ailleurs pas étranger à Saint-Pierre-Apôtre, église qu’il a déjà fréquentée à quelques occasions. «Je trouve que ce qu’ils font est bien et louable, affirme-t-il. Ils font de très bonnes choses.» Mais pour le professeur, malgré certains efforts menés auprès de la communauté homosexuelle, «les enseignements formels de l’Église» quant à l’homosexualité demeurent inchangés. Même si le diocèse de Montréal soutient ce qui se fait au sein de cette église, le cardinal Jean-Claude Turcotte «connaît bien la position du Vatican par rapport à l’homosexualité», soutient le futur prêtre.
Des stigmates encore visibles
Le spectre d’un rude passé conflictuel hante toujours la relation entre certains homosexuels et le catholicisme. Pour Donald Boisvert, l’un des principaux problèmes est que chaque fois qu’un scandale de pédophilie impliquant un prêtre catholique survient, «l’Église accuse un supposé clergé gai». Yves Côté estime aussi que la confusion entourant les divers scandales est nuisible. Pour lui, la responsabilité revient toutefois aux médias, pour qui «ce sont les mauvaises nouvelles qui font la nouvelle», lorsqu’il est question de religion.
Que les actions de l’église Saint-Pierre-Apôtre changent ou non la position officielle du Vatican quant à l’homosexualité, Yves Côté est très fier du travail effectué. Pour cet animateur de pastorale, l’Église catholique possède des «qualités encore plus grandes que ses défauts» et que c’est «en travaillant de l’intérieur» que l’on réussit à faire avancer les choses. Après la pluie, le beau temps, mais le chemin reste long avant de voir planer un arc-en-ciel au-dessus de Saint-Pierre-de-Rome.
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