Tranquillement, le public ouvre ses yeux. Les dizaines de personnes rassemblés à la galerie d’art Never Apart à Montréal reviennent à la réalité. Tous s’imprègnent de l’expérience qu’ils viennent de vivre. Couchés sur des tapis de yoga depuis quarante minutes, ils ont effectué un voyage au coeur d’eux-mêmes, guidés par la musique hypnotisante.
Le 14 avril dernier avait lieu le 24e événement de méditation sonore Practice à la galerie d’art Never Apart à Montréal. Les spectateurs sont invités à méditer alors qu’un DJ les accompagne par des sonorités marquantes par leur lenteur et l’omniprésence d’instruments à cordes.
L’étudiante au doctorat en psychologie clinique à l’Université McGill Jann Tomaro est l’instigatrice de ces événements. « C’est une idée qui m’est venue après avoir remarqué comment différents sons et mélodies affectaient mes pensées et comment je me sentais », explique-t-elle. C’est pour cela qu’elle a voulu « dédier plus de temps et d’énergie à explorer ces effets ». Ainsi, les artistes participants doivent élaborer des performances qui collent au but méditatif de l’expérience.
Le DJ et producteur montréalais Anabasine a choisi de se diriger vers le genre musical minimaliste drone, caractérisé par sa lenteur et par son peu de variations harmoniques. « Il faut se mettre dans le même état d’esprit que le public inactif, et faire évoluer la musique le plus lentement possible », avance-t-il.
L’environnement des spectacles Practice est bien différent d’un plancher de danse. En effet, le local est illuminé par de grandes baies vitrées, et l’écoute musicale est la seule activité à laquelle l’auditoire immobile s’adonne. Les artistes attaquent donc leur création avec pour objectif de faciliter un état d’esprit méditatif. « Les sets sont créés spécifiquement pour produire un changement d’état de conscience », affirme Jann Tomaro.
« Mon approche face à la mélodie [pour ce genre de performance] est totalement différente par rapport au reste de la musique que je fais », admet le DJ qui fait aussi partie d’un groupe de rock psychédélique nommé Slight. Danji Buck-Moore, de son vrai nom, ralentit le rythme afin de créer une ambiance lente et planante. « J’adore étirer l’harmonie qu’on pourrait retrouver dans une chanson pop, mais en ne changeant les accords qu’aux dix minutes », explique-t-il.
Autre différence majeure, puisque le public médite, il ne peut communiquer son appréciation pour les chansons, ce qui rend la tâche du DJ plus difficile. « Il est dur de jauger la salle, puisque les gens vont rester assis, peu importe ce qu’on fait jouer, ce qui peut être un sentiment bizarre », souligne Anabasine, qui est également diplômé en musique de l’Université McGill.
« J’essaie de partir du moins possible, d’une note, par exemple, puis j’improvise, je suis le flow », confie celui qui a commencé à s’intéresser au drone il y a six ans, après avoir participé à un projet où il faisait jouer de la musique pour des gens qui dormaient dans un loft du Mile-End, nommé The Plant.
Comme l’installation sonore est minimaliste, la méditation qu’effectuent les participants est au coeur de l’expérience. « Les arts numériques sont très intéressés à faire participer le spectateur. On cherche à l’inclure dans l’expérience artistique », avance la professeure d’histoire de l’art à l’UQAM Joanne Lalonde. Bien que le public soit plutôt actif lorsqu’on l’encourage à se joindre à l’oeuvre, ses encouragements ne sont pas absolument nécessaires, selon Mme Lalonde. « Cette participation peut être très contemplative, très méditative. On n’est pas nécessairement toujours dans une action », soutient-elle.
Jann Tomaro donne un conseil très simple à ceux qui sont tentés de vivre cette expérience. « Laissez aller toutes vos attentes et arrivez avec une attitude ouverte, ce qui vous permettra de vraiment vivre l’expérience », conseille-t-elle, mentionnant qu’il lui fera un plaisir d’accueillir tout et chacun dans un milieu inclusif qui encourage la différence.
photo : LETICIA TRANDAFIR
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