Des systèmes d’aide à l’audition aux interprétations en langue des signes, la scène musicale au Québec ouvre graduellement ses portes aux personnes sourdes et malentendantes. Des initiatives encore jeunes, mais qui offrent déjà à un public longtemps tenu en marge la possibilité de vivre l’enivrante expérience d’un spectacle.
« La musique, c’est le plus gros deuil que plusieurs [personnes malentendantes] ont à faire », confie Jeanne Choquette, présidente d’Audition Québec, elle-même atteinte d’une perte auditive progressive, une diminution graduelle de la capacité à entendre. Depuis l’enfance, son audition s’est lentement effritée, menant au port d’appareils auditifs dès ses 21 ans.
Au Québec, plusieurs salles de spectacles proposent depuis 2005 des systèmes d’aide à l’audition, souvent appelés systèmes de syntonisation. Bien qu’ils se veuillent inclusifs, ces dispositifs sont encore loin de répondre à tous les besoins des malentendant(e)s, selon Mme Choquette. La déficience auditive permanente touche pourtant près de 10 % de la population, rapporte l’Ordre des audioprothésistes du Québec.
Comment?
Les systèmes d’aide à l’audition utilisés dans ces salles « amplifient les sons que les gens entendent encore », précise Mme Choquette. Or, ils ne recréent pas ceux que les malentendant(e)s ne perçoivent plus. C’est pourquoi ces outils ne profitent qu’à une minorité de spectateurs et spectatrices malentendant(e)s, explique-t-elle.
La Maison symphonique de Montréal offre deux systèmes de syntonisation. Le premier repose sur le 104.5 FM, une fréquence radio.
Le second système passe par une application mobile, ÉcoutezWiFi, qui permet de capter le même signal sonore directement sur son téléphone. Dans les deux cas, le principe reste le même : les sons sont saisis à leur point d’origine, puis transmis sans intermédiaire à l’auditeur ou l’auditrice.
Toutefois, cette technologie peut être à double tranchant. « Dépendamment des fréquences que les gens entendent encore, cela peut être très agréable, comme extrêmement désagréable », souligne Jeanne Choquette, qui a elle-même déjà expérimenté ce type de dispositif.
La musique avec la surdité
« Je n’ai jamais réussi, même aujourd’hui, à comprendre les mots des chansons », se désole la présidente d’Audition Québec.
Aujourd’hui, elle vit avec deux implants cochléaires, chacun doté de 16 électrodes couvrant différentes gammes de fréquences.
En partie insérés chirurgicalement sous la peau, le premier à ses 50 ans et le second à ses 56 ans, ces implants stimulent directement le nerf auditif, redonnant ainsi des sensations sonores. Grâce à eux, Mme Choquette a retrouvé un monde de sons plus nuancés et le plaisir d’écouter à nouveau les chansons de son enfance, notamment, celles de Beau Dommage.
Redécouvrir ces mélodies, « c’était wow », raconte-t-elle un sourire dans la voix. « Ce ne sont pas toutes les fréquences que vous, les entendants, vous entendez », nuance-t-elle aussitôt.
Chez les personnes malentendantes, l’absence ou la limitation de son peut nuire au fonctionnement cognitif. Non corrigée, la perte auditive réduit la stimulation sonore et peut mener, à long terme, à la réassignation des neurones liés à l’audition, contribuant ainsi au déclin cognitif, prévient Mme Choquette.
La musique en signes
Pour Matthew Courtemanche, artiste sourd(e) multidisciplinaire qui termine actuellement un certificat en Études féministes à l’UQAM, la musique se traduit autrement. Sous le nom de scène Afrokiréma, iel adapte des concerts en langue des signes québécoise (LSQ) pour les rendre accessibles à la communauté sourde.
À son avis, l’interprétation en LSQ permet à sa communauté de comprendre non seulement les paroles, mais également les instruments, les rythmes et les émotions qui traversent la scène.
L’artiste plaide pour une meilleure reconnaissance du travail des interprètes sourd(e)s en LSQ afin d’éviter « ce sentiment de marginalisation » chez les interprètes et le sentiment d’exclusion du public sourd. Lorsque les interprètes sont relégué(e)s en marge de la scène, le public doit choisir entre la performance et sa traduction, explique-t-iel.
Toutefois, souligne Jeanne Choquette, la LSQ « est une langue à part entière » et très difficile à apprendre. « Beaucoup de personnes malentendantes ne parlent pas la langue des signes », ajoute-t-elle, précisant qu’elle lit sur les lèvres pour « compenser » sa surdité.



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