Accessoiriser l’accessoire

Petit monstre, ourson duveteux ou breloque scintillante : la mode de personnaliser les objets du quotidien a pris d’assaut nos sacs à main et nos téléphones. Difficile à comprendre, l’engouement derrière les Labubu s’explique par un désir de refléter notre identité tout en voulant adhérer à la tendance.

Au cours de la dernière année, les Labubu ont gagné en popularité, notamment grâce aux réseaux sociaux. Ces petites créatures mythiques démoniaques sont un exemple de porte-clés populaires. On y trouve également les Monchhichi, les Jellycats ou les Sonny Angel.

Bien que cette tendance puisse sembler émergente, ce phénomène a toujours été présent dans l’histoire de la mode. Selon Liza Petiteau, docteure en histoire de l’art  passionnée par la mode et la psychologie, cette pratique remonte aux années 70, les fameuses années Jane Birkin. La personnalisation des objets du quotidien permettait alors aux « punks, grunges et hippies » de ce monde d’afficher leur résistance à la culture dominante.

Dre Petiteau estime que cette tendance n’est pas passagère. « [Cette mode] est assez répétitive. On la retrouve vraiment partout, à tous les niveaux de la société.  »

Aujourd’hui, à une époque dominée par les microtendances et la mode jetable, ce style reflète le besoin d’appartenir à un groupe tout en « [affirmant] une identité qui [nous] est propre », explique la Dre Petiteau.

D’après Madeleine Goubau, docteure en communication spécialisée en mode et en habillement, une personne qui achète un Labubu affiche donc sa culture générale et son appartenance à la « tribu ». Cependant, l’acheteur ou l’acheteuse peut aussi se procurer une couleur unique ou une édition limitée pour attester son unicité.

Sentiment de « fierté »

Au-delà de ce désir de distinction, d’après la Dre Petiteau, l’ajout de porte-clés procure du bien-être, de la fierté et du plaisir. En accessoirisant leurs biens, les individus « assument leur identité », ce qui provoque un réconfort.

Shaïna François Joseph, une étudiante en design graphique à l’UQAM, trimballe un large sac en cuir auquel est accroché un petit bébé Kewpie, soit une figurine miniature à l’allure humaine enveloppée dans une pêche peluchée.

L’uqamienne a commencé à collectionner des porte-clés il y a deux ans. Elle en possède six, qu’elle accorde à ses différentes tenues selon les couleurs ou le style recherché. Elle éprouve de l’affection pour ses accessoires de la même manière que certain(e)s sont attaché(e)s à leurs peluches.

« Tout d’un coup, j’ai envie que celui-là sorte avec moi. C’est un peu comme un ami », affirme Shaïna François Joseph. « Je pense que c’est plus en rapport avec l’attachement, quand je l’ai eu, dans quel contexte je l’ai acheté. Souvent, quand j’achète un porte-clés, [je l’associe à] des souvenirs », suggère-t-elle.

Celui qu’elle arbore au moment de rencontrer le Montréal Campus a été acquis dans un magasin proche de la station de métro Guy-Concordia, à la suite d’une soirée karaoké avec des copines. Son amie en a un similaire ; elles sont allées l’acheter ensemble. Les poupées de ce genre viennent souvent dans des petites boîtes mystères. « Nous avons toutes crié quand je l’ai déballée et que nous avons vu laquelle j’avais eu », raconte-t-elle en riant.

« Nous avons toutes crié quand je l’ai déballée »
– Shaïna François Joseph, étudiante en design graphique

Zoé Mekhoukh, étudiante en travail social à l’UQAM, transporte pour sa part avec elle un petit ourson duveteux bleu. Cette peluche est son premier porte-clés qui suit la tendance. Après avoir essayé de l’attraper dans une machine à pince sans succès, Zoé a choisi de commander en ligne son fidèle compagnon.

En plus d’être une manière d’exprimer sa personnalité, elle considère son porte-clés comme son soutien moral. Elle estime qu’avoir son « précieux » à ses côtés lui octroie du bien-être.

Lafufu ou Labubu ? 

Shaïna François Joseph admet avoir acheté un Lafufu après une réticence initiale. C’est une fausse poupée qui ressemble beaucoup à un Labubu, mais qui est moins chère et de moindre qualité que l’originale. Sa décision a été hautement influencée par les réseaux sociaux ainsi que son petit visage démoniaque qu’elle a appris à apprécier.

Bien que sa popularité a explosé au cours des derniers mois, ce type de porte-clés n’est pas nouveau sur le marché. Originaires de Chine, les personnages ont été créés en 2015 par Kasing Lung, un illustrateur de livres pour enfants. Dû à leur rareté et leur adoption par de multiples célébrités, ils peuvent être très dispendieux et coûter plus d’une centaine de dollars dans certains cas.

Madeleine Goubau juge que le contexte économique difficile incite les gens à acheter des accessoires comme des Labubu. « Même si ça paraît déraisonnablement cher, il reste que c’est moins cher qu’un sac à main haut de gamme de luxe qui va coûter 6000 dollars », énonce-t-elle.

Ce serait une manière d’afficher un certain statut social et de se dire capable de payer quelque chose d’extrêmement dispendieux pour ce qu’il représente.

L’experte en mode mentionne que le désir de se procurer ce type de porte-clés vient tout simplement de l’engouement derrière ceux-ci. « Si on ne [les] voyait pas être adoptés par des gens qu’on admire et auxquels on veut ressembler, il n’y a jamais personne qui [les] achèterait », exprime-t-elle.

« [Lorsqu’on achète un petit jouet à la mode], la seule chose que ça dit à propos de nous, c’est qu’on a de l’argent pour le payer et qu’on est au courant de la tendance », conclut Mme Goubau.  Ainsi, elle propose d’afficher son originalité en investissant plutôt dans une breloque fabriquée par un(e) artisan(e), unique et de meilleure qualité.

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