Dans la cour des grandeurs natures

Brocantes et tentes-roulottes ne sont plus les seules invitées aux sous-sols d’église et terrains de camping. Faites place aux chevaliers et chevalières, mages et autres créatures incarnées lors des jeux de rôles grandeur nature.

« Les grandeurs natures (GN), c’est du théâtre interactif », lance Luna Bedel, cofondateur de Laniakea, un GN d’enquête politique médiéval. « Au lieu d’être assis ou assise sur une chaise, tu joues un personnage et tu fais partie de l’histoire. »

Le grandeur nature est un jeu de rôle taille réelle. Comparable aux jeux de table comme Donjons et Dragons, le GN consiste à incarner un personnage de son choix, mais de façon plus immersive, et ce, dans de nombreux styles différents, à l’image de l’improvisation.

Créer un univers

Samedi 8 mars : les personnages sont accueillis au sous-sol de l’église Saint-Gilles à Laval. Les bannières des différents clans au pouvoir pendent des murs et des tuyaux au plafond. Plusieurs humain(e)s et créatures aux caractéristiques animales écoutent le maître de jeu.

Mention photo : Chanya Sedion

Un rappel obligatoire des règles de sécurité est suivi de la mise en contexte de la soirée. L’hiver, les GN prennent la forme de banquets en salle, contrairement à l’été, où ils se déroulent généralement en forêt.

Retrouver une pierre volée pour rétablir une anomalie magique est la quête principale. Les invité(e)s peuvent également compléter des quêtes secondaires, comme aider un villageois dont la ferme a été attaquée.

La création d’un GN repose sur les éléments dans le jeu et en dehors de celui-ci, explique Luna. Certain(e)s membres d’une équipe organisatrice se concentrent sur l’écriture du monde fictif ou l’arbitrage des combats, alors que d’autres se chargent de remplir les dossiers des participant(e)s ou de réserver les lieux.

Une activité accessible?

S’orienter dans ce monde peut être compliqué, reconnaît Christophe Chapleau, animateur du balado La Folie des Grandeurs. Son but : démocratiser l’information sur ce loisir. « [Le GN], c’est souvent du bouche-à-oreille. J’aimais l’idée d’apporter un pan plus informatif. »

« Il y a tellement de GN qui se développent, ça peut être dur de savoir dans lequel aller », ajoute Christophe. Dans son balado, il passe en entrevue des créateurs et créatrices, en plus de propriétaires de magasins consacrés au GN, pour aider à la diffusion de renseignements.

Selon lui, les nombreuses boutiques d’équipement au Québec facilitent l’accès aux GN. « Si quelqu’un n’est pas à l’aise de fabriquer son costume, il peut avoir quelque chose de très bien s’il est prêt à y mettre un petit budget. »

Ce dernier point est l’une des grandes contraintes du GN : les coûts. Camélia Giguère, étudiante en arts visuels à l’UQAM, mentionne qu’une fin de semaine de GN peut lui coûter entre 60 et 70 dollars, en plus de sa nourriture.

Le prix des billets est justifié par les coûts d’organisation dispendieux, en plus de l’animation en continu pendant plusieurs jours. À Laniakea, les sessions d’été seront sur un terrain de camping avec bloc sanitaire et électricité pour faciliter l’accessibilité. « Mais cela fait monter les prix », rapporte Luna Bedel.

Les réalités des minorités, telles que la communauté LGBTQ+ et les personnes neurodivergentes, sont également à prendre en compte dans l’accès des événements. Selon Luna Bedel et Jonathan Thériault, les fondateurs de Laniakea, certains groupes seraient ignorés dans le monde du GN, poussant les deux ami(e)s à créer leur propre « safe space ».

Luna précise que ce n’est pas par manque de tolérance de la communauté, mais que, comme il s’agit d’un petit milieu, « les gens en charge n’ont pas l’habitude d’inclure ces réalités-là ».

Démarrer sa quête

Dire qu’il est intimidant de commencer cette aventure est un euphémisme. Pourtant, Christophe Chapleau se veut rassurant. « Le monde aime avoir des nouveaux […] Il y a une belle camaraderie dans la plupart des événements. »

Son conseil est de s’abandonner à l’expérience. « Ça peut être facile de cringer au début [mais] tu vas avoir du fun si tu arrives à faire tomber cette barrière-là. »

« Choisir son GN, c’est comme choisir son tatoueur », avance Luna Bedel en riant. Il insiste sur le fait que chaque GN a son style et qu’il suffit de trouver celui qui nous correspond le mieux.

Pour Camélia Giguère, initiée au GN par son frère, tous ces efforts en valent la peine. « Quand je vais passer une fin de semaine dans la nature, c’est comme si tous mes problèmes, je les oublie. C’est un [échappatoire] à la réalité. »

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