L’UQAM a déboursé au moins 400 000 $ auprès d’Amazon en 2024 pour des services infonuagiques et du matériel scolaire. Des dépenses qui sont dénoncées par plusieurs syndicats et associations étudiantes.
L’UQAM a dépensé près de 280 000 $ sur Amazon en 2024, dépenses de cartes institutionnelles et remboursements aux employé(e)s confondus. Cela comprend l’achat de livres, de fournitures scolaires, de « matériel divers » et de matériel informatique.
Ces chiffres représentent 0,05 % de son budget total d’environ 500 millions, souligne la porte-parole de l’UQAM, Jenny Desrochers. Les dépenses du Service des bibliothèques et les contrats de l’UQAM avec Amazon pour des services infonuagiques ne sont pas compris dans ce montant.
L’UQAM n’achète plus sur Amazon depuis mi-février, suivant une directive envoyée aux organismes publics par le gouvernement du Québec après l’annonce de la fermeture des sept entrepôts d’Amazon au Québec en janvier. La fermeture des entrepôts a engendré la perte de 4600 emplois au Québec, sous-traitant(e)s compris(e)s.
L’infonuagique et l’UQAM
Une partie importante des dépenses de l’UQAM sur Amazon concernent les services infonuagiques d’Amazon Web Services (AWS), qui ne sont pas compris dans la directive du gouvernement du Québec.
L’UQAM a conclu un contrat de près de 200 000 $ avec AWS en novembre 2024.
L’Université avait aussi renouvelé un contrat de trois ans avec l’entreprise en 2023. Une décision du conseil d’administration (CA) concernant le renouvellement du contrat autorisait l’UQAM à y accorder un montant maximal de cinq millions de dollars.
AWS fournit des services infonuagiques, c’est-à-dire du stockage de données sur Internet. Les données ne sont pas enregistrées sur un objet physique comme une carte mémoire ou une clé USB et sont accessibles avec une connexion Internet.
Dans le cas de l’UQAM, l’infonuagique d’Amazon sert à entreposer des données et à accéder au laboratoire virtuel, une plateforme qui permet aux uqamien(ne)s d’utiliser des logiciels spécialisés.
Des liens critiqués
Dans une lettre envoyée au CA de l’UQAM en février, les quatre syndicats de l’UQAM ont demandé à l’Université de réévaluer sa relation avec le géant américain.
« On invite le CA à regarder s’il peut résilier les contrats qu’il a actuellement avec la firme Amazon Web Services, à ne pas renouveler le contrat si jamais ce n’est pas possible, et à éviter tout contrat ou tout achat avec cette compagnie. Donc [à agir] dans une optique d’achat responsable, comme l’UQAM devrait le faire en tant qu’université », explique le président du Syndicat des professeures et des professeurs enseignants de l’UQAM (SPPEUQAM), Olivier Aubry.
Antoine Martin, délégué étudiant du CA de l’UQAM, avait exprimé des réserves lors du renouvellement du contrat avec AWS en 2023 en raison des pratiques « antisyndicales » de la compagnie. Les employé(e)s de l’entrepôt à Laval avaient récemment formé le premier syndicat d’Amazon au Canada. Il est affilié à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), tout comme le Syndicat des professeurs et professeures de l’UQAM (SPUQ) et le SPPEUQAM.
L’Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH), l’Association facultaire étudiante de science politique et droit (AFESPED) et l’Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation (ADEESE) appuient quant à elles le mouvement « Ici, on boycotte Amazon ».
Lancé en réponse à la fermeture des entrepôts, le mouvement appelle au boycottage de l’entreprise américaine.
L’UQAM « en réflexion »
« En ce qui a trait à l’infonuagique, l’UQAM est sensible aux préoccupations soulevées, dans l’actualité et par certains membres de sa communauté, concernant la souveraineté numérique et Amazon Web Services. Elle est à pied d’œuvre pour évaluer différents scénarios et elle poursuit ses réflexions », déclare la porte-parole de l’UQAM, Jenny Desrochers.
Le CA a autorisé la vice-rectrice à l’Administration et aux finances à signer un contrat avec AWS en 2023. Il a cependant aussi demandé que l’UQAM « entame une réflexion afin de trouver des solutions alternatives à l’égard d’un approvisionnement éthique en matière d’infrastructures infonuagiques ».
« L’approche de l’infonuagique à l’UQAM respecte en tous points les orientations gouvernementales en cette matière », affirme Jenny Desrochers. AWS fait partie des entreprises avec lesquelles les organismes publics peuvent faire affaire pour l’infonuagique, selon le ministère de la Cybersécurité et du Numérique.
Antoine Martin le voit d’un autre angle. « On se doit, en tant qu’établissement scolaire, qui se dit éthique, d’avoir des attentes plus élevées que d’autres services publics. Je pense qu’on peut se permettre l’ambition », dit-il, rappelant que les universités étaient des « pionnières » du développement informatique dans les années 1980 et 1990.
Des options d’ici
Il existe des équivalents québécois à la multinationale de Jeff Bezos. Dans le domaine de l’infonuagique, la compagnie québécoise Micrologic fait déjà affaire avec plusieurs organismes publics québécois, dont des cégeps et des centres de services scolaires.
Cependant, la transition d’AWS à un autre service d’infonuagique est complexe.
« C’est du travail de plus pour monter la zone d’accueil dans le nouveau cloud, migrer les applications, faire des essais, les configurations de sécurité », explique Robert Michon, conseiller stratégique chez Micrologic. « Souvent, les clients ne voient que peu ou pas de bénéfices à investir pour migrer d’un cloud à un autre. »
Qu’est-ce que la souveraineté numérique?
La souveraineté numérique consiste à confier les données produites au Canada à des entreprises d’ici et à les entreposer sur le territoire pour que les données soient régies par les lois canadiennes et québécoises. Amazon est soumise au CLOUD Act, une loi américaine l’obligeant à transmettre ses données avec les autorités des États-Unis si elles en font la demande, peu importe le pays où sont stockées les données.
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