Jeunes mères face au mépris

Forcée à entendre des commentaires négatifs de ses pair(e)s à l’égard de sa grossesse inattendue, Emma s’est mise à douter de sa capacité maternelle. Avait-elle fait le bon choix? « J’ai beaucoup pleuré », confie la jeune mère.

Emma* avait 18 ans lorsqu’elle a appris qu’elle était enceinte. Sa grossesse a été un véritable choc, puisqu’elle avait un stérilet hormonal d’un taux d’efficacité de 99,8 %.

« Moi, à la base, je ne savais pas si je voulais la garder [le bébé] parce que j’étais jeune, je finissais mon secondaire aux adultes et j’avais trois emplois. Je n’avais pas juste ça à faire, garder un bébé », témoigne-t-elle.

Lors de sa première échographie, Emma a découvert qu’elle avait un nombre incalculable de kystes sur les ovaires, l’empêchant certainement de retomber enceinte. C’est pour cette raison qu’elle a choisi de poursuivre sa grossesse.

L’image des jeunes mères

Jacinthe Lavoie, coordonnatrice clinique des appartements supervisés Augustine-Gonzalez à Montréal, estime qu’il existe plusieurs stéréotypes associés aux jeunes mères. Le plus fréquent est qu’elles sont «  forcément non responsables  » et qu’elles ne sont « pas assez matures » pour avoir un enfant.

D’après Mme Lavoie, les jeunes mères ne sont pas valorisées et la vision que la société a d’elles est souvent teintée de préjugés. Certaines de ces mères craignent d’être perçues de manière négative. Certaines sont même menées à l’isolement. « Elles ont peur d’aller vers des services parce qu’elles ont peur d’être jugées ou qu’on remette en question leur compétence, leur habileté parentale », affirme Mme Lavoie.

Myriam Primeau, enseignante en soins infirmiers au Cégep André-Laurendeau, constate que ces préjugés sont aussi présents dans le milieu de la santé. « [L’accompagnement] ne s’est jamais amélioré, ça se détériore constamment. Le support à nos nouvelles mamans n’est pas toujours là. »

Emma a été confrontée à une telle décision à l’âge de 18 ans. Elle explique que le regard des autres la blessait énormément.

« [La grossesse], c’est quelque chose qui s’est imposé à moi dans ma vie. Puis, à cause de tout ça, je me fais rejeter, je me fais juger. Je suis incomprise »

Emma

Appréhender l’avis des proches

Emma redoutait le moment où elle allait devoir annoncer la nouvelle à sa famille, par peur du jugement.

Cette crainte est normale, selon Francesca Capozzi, professeure au département de psychologie de l’UQAM. Selon elle, c’est dans des moments très émotionnels, comme une grossesse inattendue, que l’on observe de la « détresse significative » chez quelqu’un(e). Les jeunes mères se sentent obligées de prendre une décision qui est contre leurs valeurs, leurs choix, et leurs priorités, tout en ayant peur de perdre les liens affectifs qu’elles ont avec leur famille.

D’après Mme Capozzi, elles peuvent aussi vivre une pression sociale de la part de leurs proches à l’égard des décisions concernant leur grossesse.

« L’élément affectif est plus présent, donc la pression sociale risque d’être plus forte », soulève la professeure.

Lorsque des familles désapprouvent le choix de garder l’enfant, les réactions viennent d’une « volonté de protéger » à la fois la mère et le bébé. Ce sont souvent des préjugés négatifs qui alimentent les préoccupations que l’enfant pourrait être à risque.

Malgré que la sœur d’Emma ait eu son premier enfant au début de la vingtaine, elle explique que sa mère était plus solidaire en raison des « bonnes » circonstances entourant la grossesse de sa sœur. Cette dernière habitait dans une maison avec son conjoint, comparativement à Emma qui habitait en chambre étudiante.

« [Ma mère] n’aurait pas nécessairement voulu que j’avorte, mais plutôt que je ne tombe pas enceinte », précise Emma.

En réponse à l’opposition de sa mère face à sa grossesse, la jeune femme a déménagé dans une ville qui lui était inconnue pour « [ne] plus avoir affaire à elle ».

Emma s’est retrouvée seule, sans aucun appui, ni de sa famille ni du père de sa fille.

« Il n’y a pas une femme, peu importe son âge, qui devrait être toute seule [pendant sa grossesse]. C’est tout », estime l’enseignante Myriam Primeau.

Recommencer à zéro

Près de huit ans se sont écoulés depuis la naissance de la fille d’Emma. Néanmoins, le « froid indélébile » laissé entre sa mère et elle continue de lui serrer l’âme.

Emma a réussi à bâtir sa deuxième famille avec les personnes qui lui tiennent à cœur, dont ses ami(e)s et ses deux filles.

Elle encourage les personnes qui vivent une situation similaire à continuer de voir « la lumière au bout du tunnel ».

*Dans cet article, Emma est un prénom fictif employé pour conserver l’identité de la personne.

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