Sans être révolutionnaire, Monsieur Aznavour est un film grand public qui saura intéresser les néophytes à l’univers de la légende de la chanson française.
Né de parents immigrants arméniens, le « Frank Sinatra français » a vécu des débuts difficiles, avant de connaître la gloire qu’il a tant cherchée. De son enfance pauvre, aux années de guerre, aux débuts musicaux modestes, puis aux critiques virulentes, le parcours du chanteur est semé d’embûches. C’est autour de ces dernières que se concentre la plus grande partie du film.
Charles Aznavour tenait à ce que ce film biographique se focalise sur les épreuves qu’il a traversées, afin de mettre ses origines en lumière. Ce désir se reflète dans le mantra de son père, répété à plusieurs reprises à travers le film : « Regarde d’où on est venu et regarde où nous sommes. »
Un rythme déconcertant
Le film débute avec une cadence effrénée. Il est ponctué de courtes scènes de l’enfance du chanteur et de son expérience de la Deuxième Guerre mondiale, dans laquelle lui et sa famille ont rejoint les rangs de la résistance. Ces scènes sont extrêmement fugaces, au point d’en laisser le public un peu perdu.
Si certains passages du film ressemblent ainsi à un collage anecdotique plutôt qu’à un récit de vie, c’est peut-être dû à la difficulté de raconter une vie entière en à peine deux heures.
« C’était tout l’enjeu de l’écriture du scénario, du montage. On ne voulait pas faire un film de quatre heures, mais pourtant, on voulait vraiment raconter une très large palette de sa vie »
Grand Corps Malade, en entrevue avec le Montréal Campus aux côtés de son coréalisateur, Mehdi Idir.
Des dialogues complexes à écrire
Les dialogues pâtissent de ce désir de tout montrer, au point que certaines répliques tombent dans le piège de la surcharge d’informations, ce qui les rend moins authentiques.
De plus, comme la façon de s’exprimer dans les années 30 aux années 70 était différente de celle d’aujourd’hui, il manquait parfois de naturel ou de réalisme à quelques répliques. Malgré tout, ces défauts ne prennent pas une place trop importante dans le film.
« C’était compliqué au début. Surtout que, quand tu écris, il y a ton langage qui vient naturellement. À chaque fois, il fallait se poser des questions », raconte Mehdi Idir. Grand Corps Malade et lui, on fait appel à un historien linguiste qui révisait les dialogues afin de respecter le vocabulaire de l’époque.
Trop à la fois
Monsieur Aznavour tente peut-être d’en faire trop à la fois. Cela empêche le public de s’attacher à ses (très nombreux) personnages, à l’exception peut-être d’Édith Piaf, la mentore, et de Pierre Roche, l’acolyte oublié.
Ces derniers bénéficient d’un temps d’écran beaucoup plus grand que celui des amours du chanteur, ou même de sa famille. Ils sont donc plus développés que les autres et se retrouvent dans les meilleures scènes du film.
Cependant, certains points, comme le racisme qu’a subi Charles Aznavour et les difficultés vécues par le peuple arménien, n’ont été qu’à peine effleurés.
À ce sujet, des vidéos d’archives dénotent du style général adopté. Plantées au début et à la fin du film, elles montrent les ravages du génocide arménien, puis ceux du tremblement de terre qui a secoué le pays en 1988.
Cet aspect de l’histoire du chanteur tenait à cœur aux deux réalisateurs : « C’était important pour nous, pour montrer d’où vient Charles et d’où viennent ses parents, ce qu’ils ont traversé pour en arriver là », révèle Mehdi Idir.
Grand Corps Malade ajoute que le tremblement de terre de 1988 en Arménie, « c’est vraiment le moment où Aznavour s’est impliqué énormément […] pour aider l’Arménie » (ce qui n’est pas montré dans le film).
«Tu ne peux pas faire un film sur Charles Aznavour sans parler de l’Arménie. C’est son origine […] et ça a guidé aussi beaucoup de choses dans sa vie», ajoute-t-il.
Agréable à regarder, Monsieur Aznavour propose un portrait intéressant et nuancé de celui qu’Édith Piaf appelait affectueusement le « génie con », sans toutefois parvenir à atteindre les sentiments de l’auditoire.
Le film sera à l’affiche au Canada dès le 29 novembre.
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