Rejoignant autrefois un public plus niché, la bande dessinée québécoise se démocratise, ouvrant ainsi ses portes aux aspirant(e)s bédéistes. Autant chez les auteur(e)s que chez les commerçant(e)s d’ici, l’engouement pour le neuvième art persiste.
Par un bel après-midi de mars, Gilles Boisclair fouille la section bande dessinée de la Bouquinerie du Plateau sur l’avenue du Mont-Royal, à la recherche d’une nouvelle lecture. Il a développé sa passion pour la bande dessinée il y a une soixantaine d’années à travers la revue française Pilote et le cinquième album des aventures de Tintin, Le Lotus bleu.
« Ce qui me pousse vers la BD, c’est l’imaginaire qu’on peut créer. On n’a pas besoin d’un gros budget et il est presque possible de faire tout ce qui est imaginable! », s’exclame-t-il. L’homme, qui possède une collection de plus de 500 bandes dessinées, prête ou donne souvent ses exemplaires lorsqu’il en a l’occasion afin de partager sa passion.
Si, aujourd’hui, la plupart des maisons d’édition québécoises publient des romans graphiques ou des bandes dessinées, cela n’a pas toujours été le cas. « Lorsque j’ai commencé à faire de la BD dans les années 1980, il n’y avait pas d’éditeurs et seulement quelques magazine », raconte le bédéiste Paul Bordeleau. C’est en rencontrant la maison d’édition La Pastèque que l’auteur de la série des Faüne a pu commencer à soumettre des projets et faire publier ses ouvrages.
« L’âge d’or » de la BD
L’auteur et illustrateur Réal Godbout a commencé à créer des bandes dessinées dans les années 1970. À cette époque, « c’était pour un public beaucoup plus marginal », mentionne-t-il. C’est le magazine humoristique québécois Croc qui lui a permis d’élargir son public. « Au départ on cherchait à faire des magazines, c’était ça la façon de percer dans le domaine. »
Aujourd’hui, certains de ses personnages, comme Michel Risque et Red Ketchup, sont bien connus dans le milieu. Graduellement, les magazines ont cédé du terrain aux maisons d’édition, qui ont su tirer profit du succès des bédéistes émergent(e)s. Elles ont donné plus d’opportunités aux auteur(e)s souhaitant se lancer dans ce genre littéraire. « Maintenant, les magazines en arrachent un peu », observe Paul Bordeleau. En réfléchissant, il soulève que la revue Planches est une des seules a encore connaître du succès.
Il y a une vingtaine d’années, seulement quelques maisons d’éditions, comme La Pastèque ou Mécanique Générale, publiaient des bandes dessinées. Au début des années 2000, la découverte et la publication de l’œuvre de Michel Rabagliati – les désormais célèbres Paul – ont permis de capter l’attention du grand public. Dans l’industrie, on parle de cette époque comme de « l’âge d’or » de la bande dessinée québécoise.
Selon le Bilan Gaspard du marché du livre au Québec 2023, les ventes de bandes dessinées ont augmenté de 5 % entre 2022 et 2023. D’après le même document, le nouveau roman graphique de Michel Rabagliati, Rose à l’île, a terminé au 5e rang des ventes tous styles confondus.
Le Québec avant tout
« La clientèle en BD s’est beaucoup diversifiée dans les dernières années », déclare Émile Dupré, employé de la boutique Planète BD, rue Saint-Denis.
Le magasin, qui a ouvert il y a 17 ans, vend des bandes dessinées aux origines variées, mais toujours en français. Il n’exclut pas les œuvres étrangères, comme des traductions de comics américains ou de mangas japonais. Ce sont cependant les nouveautés québécoises qui sont les meilleurs vendeurs, selon ce qu’a pu observer l’employé de Planète BD.
« Il y a de plus en plus une offre variée en bande dessinée québécoise, mais aussi de plus en plus de demande », explique Émile Dupré. D’après lui, des initiatives comme la journée « Le 12 août, j’achète un livre québécois! » contribuent à cette popularité. « Au bout d’un certain temps, je crois que les gens se sont rendu compte qu’il y a vraiment de la bande dessinée pour tous les goûts. »
Célébrer le neuvième art
Le Festival BD de Montréal aura lieu du 24 au 26 mai prochain sur la rue Saint-Denis. Cette treizième édition du festival accueillera des bédéistes de la francophonie et récompensera leur travail, avec la remise des prix Bédélys.
En plus de permettre aux récipiendaires d’obtenir davantage de visibilité, ces prix augmentent leur chance d’obtenir des subventions pour des projets futurs, par exemple à travers les programmes d’aide financière du Conseil des arts et des lettres du Québec.
« Depuis qu’on est sur la rue Saint-Denis, beaucoup plus de gens viennent au festival! Certaines personnes vont même planifier leurs vacances en fonction des dates de l’événement », affirme la directrice de la programmation du festival, Virginie Mont-Reynaud.
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