Dans le nouveau documentaire La Purge, du réalisateur québécois Orlando Arriagada, trois membres de la communauté LGBTQ+ témoignent des douleurs du passé qu’ont vécues plus de 9000 Canadiens et Canadiennes à l’emploi du gouvernement fédéral de 1950 au début des années 1990. Ceux-ci ont traversé des heures d’interrogatoires intrusifs et une destitution des plus humiliantes.
« J’ai souffert et j’en souffre encore aujourd’hui, parce que dès que j’ai recommencé à parler de ça, j’ai rouvert mes plaies et mon traumatisme », exprime l’une des intervenantes du documentaire, Martine Roy, en entrevue avec le Montréal Campus. L’ex-militaire est également présidente du Fonds Purge LGBT, une société sans but lucratif qui a été fondée suite au recours collectif intenté contre le gouvernement du Canada.
Le long-métrage de 52 minutes fait office de porte-voix pour les personnes LGBTQ+ qui ont été victimes d’actes de discrimination au sein des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada et de la fonction publique.
Dans un contexte de guerre froide, les victimes, qui faisaient partie de la communauté LGBTQ+, étaient vues comme de potentiels espions ou des communistes, ce qui a entraîné de vastes opérations d’enquête dans l’ensemble du pays menant parfois au congédiement.
Donner une voix aux survivant(e)s
Orlando Arriagada, le réalisateur du documentaire, explique qu’il trouvait important que les victimes soient impliquées tout au long du processus de création. « Je ne voulais pas non plus tomber dans le piège de faire un film très politique. […] Pour moi, ce n’était pas l’essentiel, c’était plutôt de raconter l’histoire des hommes et des femmes dont la vie a été tronquée et cassée », note-t-il.
Ce dernier souligne également l’intérêt de donner une tribune aux survivants et aux survivantes plusieurs années après les événements tragiques. « Je voulais que ce soient des gens qui témoignent à visage découvert pour que le public comprenne qu’on peut couramment croiser des gens qui ont souffert de traumatismes dans leur vie sans le savoir. »
Lucie Laperle, Martine Roy et Steven Deschamps, d’ancien(ne)s militaires LGBTQ+, replongent ainsi dans leurs souvenirs : discrimination, incompréhension et traumatismes sont au cœur de leurs propos. Chacun(e) d’entre eux raconte son histoire teintée d’indignation et de déchirement.
« Ça ne faisait pas de sens pour moi que j’aie perdu mon travail pour ça. J’aurais perdu mon travail parce que j’aurais fait quelque chose de vraiment grave, mais là, comment continuer à vivre en te disant que tu as été congédiée pour ça ? », soutient Martine Roy, qui s’est fait destituer car elle était homosexuelle.
Le documentaire explique qu’à l’époque, il était courant d’avoir l’obligation de consulter un psychiatre, de passer un test de polygraphe ou bien de quitter son emploi au sein des forces publiques pour la seule et unique raison de ne pas se conformer au moule de l’hétérosexualité.
Sensibiliser le public québécois
Parmi les intervenants et intervenantes du film, on retrouve le journaliste indépendant Dean Beeby, qui s’est lui-même penché sur le sujet après avoir eu accès à des retranscriptions d’entrevues d’ex-militaires de la communauté LGBTQ+.
« Il n’y a pas assez de Québécois qui connaissent le sujet et c’est une histoire qui se doit d’être plus largement comprise et mieux connue, parce que c’était une période très sombre de l’histoire de notre pays », précise Dean Beeby en entrevue avec le Montréal Campus.
« Nous devons connaître notre propre histoire pour corriger les injustices du passé. » – Dean Beeby, journaliste indépendant à l’origine du dévoilement de documents confirmant la purge LGBTQ+ au Canada.
Martine Roy ajoute que peu de Québécois et de Québécoises connaissent l’existence de la purge LGBTQ+. « On en a parlé à travers le pays, sauf au Québec. Pour moi, il était super important qu’il y ait un documentaire en français parce qu’il y a en a déjà un qui s’appelle The Fruit Machine […] et qui est en anglais », indique-t-elle.
« J’espère que les gens vont réaliser à travers le documentaire que ce n’est tellement pas important ton orientation sexuelle et ton identité de genre au travail ou à l’école. L’important, c’est que la personne soit en bonne santé et qu’elle se sente bien », conclut Mme Roy.
Le documentaire La purge LGBT, La sombre histoire est diffusé sur les ondes d’ICI TÉLÉ le samedi 16 septembre à 22h30 et disponible sur ICI TOU.TV.
Mention photo : Image tirée du documentaire La Purge
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