Pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre au Québec, plusieurs personnes âgées prennent la décision de retourner sur le marché du travail. Ce retour dit bénéfique pour la société comporte toutefois son lot de défis pour les aîné(e)s qui redeviennent des employé(e)s.
Louise Gagnon, une ancienne retraitée qui travaille actuellement comme caissière dans une quincaillerie, affirme qu’il devrait y avoir plus de personnes âgées sur le marché du travail. « Il manque du personnel partout. Moi, ça me fait plaisir d’aider, mais je souhaiterais avoir des mesures accommodantes en retour », explique-t-elle — un horaire à temps partiel, par exemple. La sexagénaire s’est fait appeler il y a deux mois par sa gérante afin qu’elle revienne au travail pour contrer le manque de main-d’œuvre notable.
Louise Gagnon affirme qu’elle est de retour au travail pour une période de quelques mois seulement. « On a travaillé toute notre vie pour le Québec. Je ne suis ici que pour dépanner mon ancien travail et j’aime ça travailler ici », exprime-t-elle.
En 2021, la province comptait environ 1,75 million de personnes âgées de plus de 65 ans, selon l’Institut de la Statistique du Québec. Pour Étienne Lalé, professeur au département des sciences économiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), les aîné(e)s pourraient représenter une solution à l’enjeu de la main-d’œuvre : « Étant donné que le départ des aînés [à la retraite] contribue à la pénurie de main-d’œuvre, on pourrait penser qu’ils font aussi partie de la solution. »
La pénurie de personnel ouvre la porte à plusieurs opportunités pour les personnes âgé(e)s, qui constituent une richesse pour l’économie du Québec, selon Étienne Lalé.
Lourdement empirée par la pandémie, « la pénurie de main-d’œuvre se traduit par la difficulté des entreprises à pourvoir des postes vacants nécessaires afin de répondre à la demande des consommateurs », détaille-t-il.
Un atout sociétal incontestable
Selon Gisèle Tassé-Goodman, présidente de la Fédération de l’Âge d’Or du Québec (FADOQ), les travailleurs et les travailleuses d’expérience sont nécessaires aux entreprises d’ici. Leur expertise est précieuse à l’avancement intergénérationnel dans les milieux de travail. « Les personnes âgées [qui retournent] au travail permettent un transfert des connaissances envers les salariés plus jeunes ayant moins d’expérience. Cela favorise les échanges entre les générations ; une perle pour l’évolution sociétale », déclare-t-elle.
D’ailleurs, les personnes âgées cherchent majoritairement un emploi leur accordant une certaine stabilité : elles ne veulent pas nécessairement gravir les échelons d’une compagnie comme elles pouvaient le désirer auparavant, explique Mme Tassé-Goodman.
Pour que le retour soit fait dans l’harmonie, « les employeurs doivent faire preuve de flexibilité auprès des personnes âgées. Souvent, ils seront contraints à embaucher deux employés pour combler le travail d’un seul, car plusieurs anciens retraités ne désirent pas travailler à temps plein. La majorité vise deux à trois jours par semaine », commente Mme Tassé-Goodman. Par contre, « les bénéfices rapportés à l’entreprise grâce au partage de savoirs des travailleurs d’expérience en valent la peine », complète-t-elle.
Des incitatifs nécessaires
Mme Gagnon est d’avis que le gouvernement devrait moins taxer les retraité(e)s de retour sur le marché du travail : « Nous sommes prêts à travailler, mais [si le gouvernement] continue de nous imposer autant, ce n’est pas avantageux pour nous de revenir au travail. »
Gisèle Tassé-Goodman est du même avis. La présidente de la FADOQ croit également que le Régime des rentes du Québec devrait être plus flexible auprès des retraité(e)s de retour au boulot. « Plusieurs aînés hésitent à retourner au travail, car ils savent que leur Régime de retraite sera impacté et certains ne peuvent se le permettre », explique-t-elle.
Étienne Lalé est plutôt sceptique quant à l’efficacité des incitatifs pour favoriser le retour au travail des aîné(e)s. Le professeur n’est pas certain qu’il s’agisse d’une solution à long terme pour contrer le problème de pénurie de main-d’œuvre.
Les employeurs pourraient entre autres offrir des formations professionnelles aux aîné(e)s qui souhaitent retourner sur le marché du travail, mais « ils n’utiliseront ces nouvelles compétences que quelques années avant de reprendre leur retraite. Il y a peu de chance que cela vaille le coût en investissement », défend le professeur.
Quant à Mme Tassé-Goodman, elle avance que « plusieurs aînés adorent leur travail et désirent faire une différence dans leur communauté. D’autres ont également un désir de rester actifs : un travail est la parfaite alternative ! Les travailleurs d’expériences sont réellement une source où puiser au Québec », conclut-elle.
Mention photo : Camille Dehaene|Montréal Campus
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