Si l’homoparentalité est une réalité de plus en plus connue au Québec, des lacunes législatives et des préjugés parfois tenaces mènent encore la vie dure à plusieurs familles homoparentales.
Selon le recensement de 2016, le Québec compte environ 2175 familles homoparentales. Entre 2006 et 2016, leur nombre a augmenté de 123 %. Pourtant, le gouvernement n’a toujours pas légiféré sur plusieurs enjeux qui touchent directement ces familles.
« Bien que la gestation pour autrui [c’est-à-dire le fait de faire appel à une mère porteuse] ne soit pas illégale au Québec, elle n’est pas légalisée non plus. C’est pourtant une option à laquelle les couples LGBT+ ont souvent recours. La pluriparentalité n’est également pas reconnue au Québec », soulève Lani Trilène (dont les pronoms sont il et elle), coordinateurice du service aux membres de la Coalition des familles LGBT+.
Lani Trilène croit aussi que la diversité sexuelle dans la parentalité est plus facilement acceptée dans les grands centres urbains : « En région, il y a souvent plus d’incompréhension. C’est une question de tradition, de culture ».
Selon la coordinateurice, le terme homoparentalité ne suffit pas pour décrire la pluralité des parentalités qui existent : « On préfère parler des familles LGBTQ+, ce qui inclut les parents trans et non binaires ». La Coalition des familles LGBT+ œuvre notamment à offrir des formations sur la diversité de parentalités à différents corps de métiers, à offrir des services aux membres, comme des conférences, et à lutter pour faire changer certaines lois.
Un manque de modèles
Si l’homoparentalité est encore méconnue, c’est aussi parce qu’il existe peu de modèles pour la valoriser. Gilbert Émond, professeur en intervention sur les systèmes humains à l’université de Concordia et chercheur en santé et sexualité, lui-même membre d’une famille homoparentale, croit que des vedettes peuvent contribuer à normaliser cette réalité.
« Il faut plus de modèles comme Katherine Levac [qui a annoncé qu’elle attendait deux enfants avec sa conjointe]. Je pense aussi à Debbie Lynch-White, qui a créé une série intitulée Histoires de coming out. Il faudrait que quelqu’un crée une série qui suit le même principe, mais qui parle de familles diversifiées », estime-t-il.
Une fierté dans s’assumer
Pour Éric Gérard-Langlois, les jugements d’autrui n’ont jamais atténué la fierté que lui procure sa famille homoparentale. Cet artiste de 55 ans, père de trois enfants qu’il a eus lorsqu’il était avec une femme, est aujourd’hui en couple avec un homme qui occupe une place importante dans la vie de ses enfants et de ses petits-enfants.
« Parfois, à l’épicerie, quand nos petits-enfants nous appellent grands-papas, et que les gens autour de nous se rendent compte que nous sommes deux hommes en couple, on peut se faire dévisager », raconte-t-il. Il se réjouit néanmoins des avancées sociales effectuées dans les dernières années. « Moi, je me considère pansexuel. Mais mon conjoint de 55 ans, qui est gay, n’a jamais envisagé d’avoir des enfants, parce que ça ne faisait pas partie des possibilités des hommes gays à l’époque », se désole-t-il.
Sa recette pour se libérer des préjugés : s’assumer, complètement. « Les gens autour de nous sont parfois surpris de voir qu’on parle de notre couple et de notre famille avec autant d’ouverture. Mais des couples homosexuels de qui nous sommes proches nous ont raconté que nous les avions inspirés à assumer leur famille », évoque-t-il, avec un bonheur apparent dans la voix.
De l’espoir malgré tout
Pour Lani Trilène, plusieurs avancées réjouissantes sont également à relever. « Maintenant, dans les formulaires de certaines écoles, on voit “Parent 1” et “Parent 2” au lieu de “Père” et de “Mère”. Les parents non binaires peuvent cocher un “X” au lieu de père ou mère, et bientôt, les personnes trans pourront plus facilement changer leur nom et leur identité sur leurs papiers, ce qui facilitera la reconnaissance de leur rôle dans leur parentalité », se réjouit Lani Trilène.
Mention illustration Édouard Desroches | Montréal Campus
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