Du 23 au 26 septembre, Tangente a présenté Come a Bit Closer, récit partiellement improvisé de la chorégraphe Camille Lacelle-Wilsey, qui marie danse contemporaine et dramaturgie. Force est de constater qu’une heure est suffisante pour à la fois décoiffer le public, l’intriguer et s’interroger sur l’essence même de notre rapport corps-nature. Un pari relevé.
Difficile de savoir à quoi s’attendre avec la pièce : mis à part les noms des artistes et quelques thèmes évoqués par la créatrice en entrevue — liberté, rapport à la nature, pollution —, cette dernière laisse planer le mystère sur son travail jusqu’au dernier moment. Pourtant, Come a Bit Closer est en échafaudage depuis 2015.
C’est en collaboration avec les interprètes Mona El Husseini, Gabriel Favreau, Rebecca Rehder et Nien Tzu Weng que s’orchestre la dernière mouture du projet auquel le Montréal Campus a assisté. L’impressionnante Eugénie Jobin, qui joue la musique en direct, et la scénariste Maude Arès sont également de la partie.
Au son des premières notes et avant même que les danseurs et danseuses — entièrement nu(e)s, faut-il le mentionner — foulent les planchers de bois, le ton est donné. L’éclairage vert et vaporeux, les longs draps au plafond et la douceur enivrante du xylophone font croire à une sorte de jungle ensorcelée. Camille Lacelle-Wilsey le confirme à la fin du spectacle en partageant l’inspiration maîtresse pour Come a Bit Closer : une visite dans une jungle lors d’un voyage, il y a quelques années. Une recréation d’ambiance définitivement réussie.
Hommage à la multidisciplinarité
La forêt s’anime concrètement lorsqu’apparaissent les quatre personnages clés du projet, d’abord aux commandes des draps qu’ils font monter et descendre à l’aide de poulies. Voilà la première expression du rôle multidisciplinaire des artistes, maîtres de leur corps, mais aussi des objets qui ponctuent l’heure de prestation, comme un ventilateur ou un projecteur.
Lorsqu’ils et elles n’ont que leur chair comme outil d’expression, tout est permis. De la joie candide à la tourmente, des sautillements et des cris animaliers à l’immobilité presque totale, les danseurs et danseuses sont tellement versatiles que la frontière entre la danse et le jeu s’amincit parfois, même un peu trop. En découle une acceptation nécessaire du chaos qui saura plaire ou déplaire aux futurs auditoires de Come a Bit Closer.
S’abreuver de contradictions
La chorégraphe le nomme elle-même: l’œuvre est aussi une critique de notre société de consommation aveuglément polluée et polluante. La quantité impressionnante de draps de plastique vert fluorescent avec lesquels jouent les danseurs et danseuses l’incarne à merveille. « La contradiction entre la critique du plastique et son utilisation abusive dans ma pièce m’a longtemps empêchée de dormir », a, sans détour, avoué la chorégraphe en discussion post-spectacle. Même si les draps sont réutilisés depuis le début du processus et que le décor demeure minimaliste, Camille Lacelle-Wilsey crée avec une sensibilité presque coupable qui donne conscience et grandeur à son art.
Come a Bit Closer n’est pas sans accroc. Certains des artistes n’ont pas de formation professionnelle en danse. Le but n’est pas esthétique, mais plutôt expérimental. « L’humain peut faire de belles et grandes choses, mais peut aussi n’être vraiment pas sur la coche », exprime la chorégraphe. Parce que non, le récit auquel donnent vie les performeurs et performeuses n’est pas exactement « sur la coche ».
La performance est parfois inconfortable, souvent absurde, et c’est ce que souhaite sa principale artisane. Devant l’angoisse d’une planète qui agonise, le désordre est sans doute plus approprié que la recherche d’une perfection qui fait tout sauf déranger.
Mention photo Sandra Lynn Belanger
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