Alliant patrimoine et technologie, le stop motion insuffle un vent de renouveau à l’art autochtone. Lors de la conférence Productions stop motion autochtones – Voix et images, le 18 septembre dernier, plusieurs membres de l’industrie cinématographique ont discuté du rôle du stop motion dans la représentation de la culture autochtone à l’étranger, ainsi que de leur relation avec ce médium.
Le stop motion, qui est aussi appelé «animation image par image » ou « animation en volume », consiste à animer de façon manuelle des objets, plutôt que d’utiliser des logiciels sur un ordinateur. Les artistes photographient ainsi chaque mouvement des figures, créant l’illusion que celles-ci sont en mouvement.
Aux yeux du réalisateur inuit Zacharias Kunuk — auteur de plus de 30 documentaires et films dont le long métrage Atanarjuat : The Fast Runner — l’usage de cette technique est synonyme d’authenticité : « Je veux que mes films puissent être étudiés dans 100 ans. Si je montre une scène d’un homme qui fabrique une luge, je veux que chaque geste soit historiquement correct », explique-t-il. L’artiste estime que rendre vivantes des choses autrement inanimées permet de plonger dans l’univers surnaturel des anciennes histoires orales autochtones.
Pour le producteur Neil Christopher, qui est également cofondateur de la première maison d’édition indépendante inuite du Nunavut, l’usage du stop motion pour raconter une histoire lui est naturel. Animer sans passer par un ordinateur est, selon lui, plus tactile et plus expressif : « Le stop motion permet de capter l’essence de l’histoire, surtout pour ceux qui ne sont pas familiers avec le Nord. […] C’est un travail extrêmement lent, mais qui permet de faire ressortir les textures, notamment celles de la fourrure des animaux nordiques », affirme-t-il.
Les inégalités du stop motion
Bien qu’elle reste toujours marginale à ce jour, l’industrie de l’animation image par image connaît une certaine résurgence depuis les deux dernières décennies, estime la réalisatrice métisse Terril Calder.
Zacharias Kunuk pratique son art dans le but d’outrepasser les obstacles du système. Au cours des dernières décennies, les artistes autochtones ont dû apprendre à s’adapter afin de mener leurs projets à terme. « La plupart du temps, les productions françaises et anglaises obtenaient suffisamment de financement ; nous recevions parfois un peu d’argent pour nous faire taire, mais ce n’était jamais assez pour produire le film », raconte-t-il sombrement.
Partager l’art au-delà de la communauté
Ainsi, malgré certaines avancées technologiques et sociales, l’industrie du stop motion reste pavée d’obstacles pour les artistes autochtones. « C’est magnifique, mais pas commercial » : ce discours, Neil Christopher l’a entendu à maintes reprises de la part des télédiffuseurs publics. C’est notamment ce qui explique les budgets minimes alloués à cette technique d’animation et aux artistes autochtones.
De son côté, la scénariste métisse Melanie Jackson estime que les créateurs et créatrices de stop motion autochtones doivent former leurs propres diffuseurs afin de remédier au problème de financement. « Nous devons aussi proposer nos créations à d’autres distributeurs comme Télétoon, pas seulement à celles de nos peuples », poursuit-elle.
C’est un avis partagé par Terril Calder, récompensée plusieurs fois pour ses projets au Festival international du film de Toronto ainsi qu’à celui de Sundance et de Rotterdam. « Le stop motion est un véhicule de changement et de dialogue. […] Il faut ouvrir la discussion, surtout avec les personnes non autochtones », précise-t-elle.
La conférence s’est close sur un message teinté d’espoir de la réalisatrice et modératrice Jani Bellefleur-Kaltush concernant l’avenir du stop motion autochtone, remerciant les invité(e)s « de nous nourrir d’inspiration et d’idées dans une industrie où les possibilités créatrices sont illimitées ».
Photo tirée du court métrage Angakusajaujuq: The Shaman’s Apprentice de Zacharias Kunuk.
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