L’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) a lancé le 25 janvier dernier la plus vaste étude de son existence, PHARE 2021, dont le but est de documenter les conditions d’habitation des étudiants et des étudiantes à travers le Canada. Coup d’oeil sur Montréal, ville grouillante de jeunes locataires aux études… et d’éventuels obstacles lorsque vient le temps de dénicher un logement abordable.
Ce sont 350 000 personnes que compte sonder l’UTILE d’ici la fin du mois de mars 2021. En 2017, 200 000 individus avaient été contactés à l’échelle du Québec à des fins similaires, mais alors que la COVID-19 n’avait pas encore laissé sa marque.
La mobilité étudiante, en effet, ne ressort pas indemne de la pandémie. Par exemple, certains et certaines ont préféré demeurer chez leurs parents pour poursuivre leurs études, faute de cours en présentiel. Ces changements de comportement seront examinés par l’UTILE de façon à cerner les besoins résidentiels de la population étudiante. Des recommandations aux gouvernements provincial et fédéral en résulteront.
La nécessité de documenter
Pandémie ou pas, l’UTILE soutient que les données publiques concernant le logement étudiant sont trop peu nombreuses. Son directeur général et cofondateur, Laurent Lévesque, établit une corrélation entre la documentation de la situation et l’attention politique qui y est accordée. Selon lui, l’accessibilité aux données précisément liées à la population étudiante et à l’habitation est cruciale, car « plusieurs [étudiant.e.s] sont concentrés dans les quartiers qui entourent les universités », ce qui crée une répartition géographique hétérogène. Ainsi, même si des organismes se penchent sur le taux d’inoccupation, par exemple, de la ville de Montréal dans son ensemble, la demande en logement abordable propre aux étudiants et aux étudiantes échappe à cette méthodologie. De ce fait, des actions concrètes pour pallier cette demande, comme la construction de résidences ou de coopératives étudiantes, sont plus difficiles à entreprendre.
En 2013, ce manque de données publiques sur le logement étudiant a poussé M. Lévesque, certain(e)s de ses collègues du baccalauréat en urbanisme de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et d’autres à fonder l’UTILE. Huit ans plus tard, c’est cette même carence qui « a déclenché l’étude [PHARE 2021] », révèle le directeur général de l’OBNL.
Inoccupation et loyers en hausse
Les obstacles financiers auxquels peuvent se buter les étudiants et étudiantes à la recherche d’un logement à Montréal – où les loyers sont les plus élevés de la province – ont été « exacerbés par la pandémie », affirme Laurent Lévesque. Tandis que le taux d’inoccupation de la métropole a bondi de 1% en mai dernier à 6 % en décembre, les loyers, eux, ne font qu’augmenter. Ils ont gonflé de 4,2 % en un an, la croissance la plus importante depuis 2003, souligne l’étude PHARE 2017.
La professeure au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM Hélène Bélanger explique cette élévation des loyers par le retour d’unités d’hébergement de type Airbnb sur le marché locatif, moins convoitées (restrictions sanitaires obligent) et bien souvent inabordables. « Les “rénovictions”* et autres rénovations majeures », en hausse dernièrement, sont également identifiées par la professeure comme contribuant à la flambée des prix des loyers.
Préparer le terrain
Hélène Bélanger insiste : le taux d’inoccupation actuel à Montréal est « temporaire ». Les étudiants et les étudiantes de l’international ou en provenance d’une autre province canadienne, qui représentaient rien de moins que 38 % de la population étudiante montréalaise en 2017, recommenceront à s’établir en ville pour y suivre des cours. La pandémie et ce qu’elle a pu susciter comme engouement à l’égard des cours à distance ne viendront pas à bout de la « vie étudiante », assure pour sa part le cofondateur de l’UTILE. À ses yeux, l’attrait pour « la vie sur le campus, ses services et ses infrastructures » ne s’essoufflera pas.
Camille Deheane, étudiante au baccalauréat en journalisme à l’UQAM, fait partie de la population étudiante originaire de l’étranger. Originaire du nord de la France, elle s’est installée à Montréal en décembre dès l’obtention de son permis d’études. « J’étais même supposée arriver en août », indique-t-elle. La situation sanitaire associée à la COVID-19 n’a pas atténué sa volonté de fouler le sol montréalais rapidement. Plusieurs élèves d’Hélène Bélanger, coincé(e)s comme Camille l’était, n’attendent eux aussi que leur permis pour poser bagages au Québec.
D’où, en fait, l’importance de préparer le terrain. « Construire des résidences étudiantes et des logements abordables ne se fait pas du jour au lendemain », rappelle M. Lévesque. Il espère que les conclusions de PHARE 2021 sauront mobiliser davantage les gouvernements provincial et fédéral quant au « besoin fondamental de se loger dans des conditions décentes et à un prix raisonnable ». Il note par exemple la place que pourrait occuper le logement étudiant au sein des politiques publiques en éducation.
L’UTILE devrait publier les résultats de sa vaste enquête à l’automne 2021.
*Rénoviction: « […] tactiques intimidantes prétextant des travaux majeurs ou une démolition de l’immeuble, ou des pressions indues sur les locataires, pour forcer des ententes de résiliation de bail. » Selon la définition du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).
Mention photo : Louis-Garneau Pilon
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