Alors que la lutte pour la rémunération des stages se poursuit au Québec, elle fait l’objet de mobilisations aux quatre coins du globe. Le salaire des stagiaires ainsi que leurs conditions de travail sont maintenant des enjeux dont la portée s’étend de la Belgique aux États-Unis.
Annabelle Berthiaume, membre du Comité unitaire sur le travail étudiant (CUTE) à l’UQAM depuis 2016, a pu tisser des liens avec des groupes militants à l’international.
La façon dont le mouvement étudiant s’est organisé est un élément spécifique au Québec, selon Mme Berthiaume. « Dans des pays comme le Maroc, le Gabon ou les États-Unis, les stagiaires sont des diplômés revendiquant de meilleures conditions de travail, une garantie d’embauche, un salaire décent, ainsi qu’un meilleur encadrement, remarque-t-elle. Nous, parce qu’on est organisé dans le mouvement étudiant, ce sont des stages étudiants. »
Un avis confirmé par Alexandre Beddock, le directeur des communications d’Interns Go Pro, un organisme visant à promouvoir le salariat dans les stages à l’échelle européenne. En France, le ou la stagiaire doit être compensé(e) financièrement à partir de deux mois de travail. Or, la plupart des stages offerts durent moins de deux mois, à quelques jours près, selon M. Beddock.
« Il y a des mobilisations et des organisations comme la mienne qui tentent d’améliorer les conditions des stagiaires, dit-il. Mais il n’y a rien de comparable à 35 000 étudiants grévistes qui s’accordent sur le fait que les stages ne sont pas du bénévolat. »
En Belgique, la communauté étudiante a d’abord et avant tout des revendications sur le travail des femmes. Les demandes par rapport au salaire des stagiaires ont été intégrées à une grève des femmes le 8 mars dernier, qui a été très médiatisée.
C’est ce que soutient Mona Malak, étudiante à l’Université libre de Bruxelles (ULB) et membre de l’Union syndicale étudiante, l’un des trois plus importants syndicats belges. Le mouvement est tout nouveau en territoire belge et la question des stages a selon elle été intégrée grâce aux discussions avec les Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE), au Québec.
Les stages ne sont généralement pas rémunérés en Belgique, mais des domaines comme l’informatique et le génie donnent souvent accès à des stages payés dans le secteur privé, explique-t-elle. « C’est un peu insidieux, injuste pour les gens oeuvrant en enseignement, par exemple », constate-t-elle.
Dans ce pays, la question du salaire des stagiaires ne représente qu’une porte d’entrée vers une demande de plus grande envergure, celle du salaire étudiant. « Il faut reconnaître la profession étudiante comme un travail et donc la rémunérer comme n’importe quel autre travail, avance Mona Malak. Les étudiants vont aux séminaires, discutent avec des professeurs et produisent des travaux que les professeurs vont utiliser et qui sont un apport considérable à la recherche. »
Elle estime que les Belges en sont encore aux prémisses du débat, malgré des débuts prometteurs. « Avec la grève des femmes, on a réussi à apporter la question de rémunération des stages dans l’actualité, soutient-elle. La revendication est apparue dans les médias, c’était une victoire pour nous. »
Selon les données d’un rapport Eurobaromètre de 2013, fournies par M. Beddock et son association, 60 % des stagiaires européen(ne)s ne sont pas payé(e)s. Entre 30 % et 40 % n’ont pas de contrats, donc sont mal encadré(e)s dans leur stage et sont vulnérables quant à la nature de leur travail. Les mesures prises par Interns Go Pro, comme la création d’une certification reconnue par la Commission européenne pour les stages de qualité ou encore un système élaboré de notation des stages, font partie d’une stratégie qui vise à instaurer le dialogue avec les employeurs et les employeuses plutôt qu’avec la classe politique. « Nos campagnes sont axées sur les conditions dans lesquelles les stagiaires évoluent professionnellement. C’est tout aussi important que le salaire », observe M. Beddock.
Précarité sur fond de crise financière
Selon Annabelle Berthiaume, la précarité est le dénominateur commun des individus concernés par la question des stages non rémunérés. « Cette problématique touche une partie spécifique de la population, toujours au détriment des minorités. C’est sur cette base qu’on peut reconnaître nos luttes communes », analyse-t-elle.
Aux États-Unis, Guillermo Creamer Jr. a co-fondé l’organisation Pay Our Interns afin de venir en aide aux stagiaires. « Une personne issue de la diversité, au profil socio-économique désavantageux, sera automatiquement brimée par la complaisance autour des stages non rémunérés, qu’on a normalisés aux États-Unis », s’insurge-t-il. Les multiples campagnes de Pay Our Interns se sont conclues l’année dernière par un accord gouvernemental bipartisan, où un fonds de 14 millions de dollars a été débloqué pour les stagiaires.
Malgré les contextes divergents, les militants et les militantes se reconnaissent dans une lutte qui se veut globale. « C’est porteur d’espoir et ça prouve qu’on n’est pas seuls, en plus de donner de la visibilité et de la légitimité à notre cause », s’enthousiasme Annabelle Berthiaume.
photo: FACEBOOK UNION SYNDICALE ÉTUDIANTE
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