S’articulant autour du théâtre, des arts visuels et de la sculpture, la marionnette fait l’objet d’un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS), qui a été mis sur pied en 2007 pour répondre à son effervescence au Québec.
Une marionnette d’apparence adolescente est étendue sur un banc, éclairée par des projecteurs. Une main s’avance lentement et la secoue un peu pour la tirer de son sommeil. Le personnage en silicone au chandail vert tendre se réveille sous les mains qui le manipulent méticuleusement. « C’est un drôle de mélange de précision et de laisser-aller », partage la coordonnatrice du DESS en théâtre de marionnettes contemporain à l’UQAM, Dinaïg Stall, alors qu’elle donne vie à la figurine. La scène est filmée et servira de capsule vidéo pour faire la promotion du programme.
Le DESS explore plusieurs facettes du travail de marionnettiste, dont la dramaturgie, la conception, la fabrication et l’interprétation. « Dans le programme, on construit, on joue, on met en scène, on écrit. Ce sont plein de chapeaux qu’on met », observe l’une des douze étudiantes de la cohorte actuelle de deuxième année, Joanie Fortin. Détentrice d’un baccalauréat en art dramatique avec une concentration en études théâtrales à l’UQAM, elle a suivi le cours de dramaturgie de l’objet à l’hiver 2017, ce qui a confirmé son intérêt pour la marionnette.
La marionnette, à l’intersection de plusieurs arts
Lors de la première année du DESS, les membres de la cohorte acquièrent des habiletés d’interprétation, tandis qu’à la seconde année, ils et elles travaillent à « dissocier son propre jeu et celui du personnage marionnettique », explique Dinaïg Stall. Il naîtra de cette dissociation une coprésence de la marionnette et de l’interprète, qui deviendront deux personnages à part entière, souligne-t-elle. « C’est ça que je trouve fabuleux dans la coprésence avec l’interprète, c’est que rien n’est caché, il n’y a pas de trucage, on voit tout, s’émerveille la professeure. On voit que c’est l’interprète qui donne vie à la marionnette, mais la magie opère quand même. »
C’est cet aspect relationnel de la marionnette qui a attiré l’étudiante Joanie Fortin au DESS. « [Placer] un objet entre le comédien et le spectateur, c’est un moyen de créer une relation entre les deux. Tout le monde met du sien pour que ça vive », exprime-t-elle.
Selon la coordonnatrice du programme, la participation des spectateurs est nécessaire pour que puisse opérer cette magie. « On choisit de se dire que c’est vivant, alors qu’on sait que ce ne l’est pas, ajoute Mme Stall. Ce qui est spécifique à la marionnette, c’est le fait qu’elle est à la fois une chose et un personnage et qu’on peut jouer sans cesse entre ces deux pôles. »
Traiter de thèmes sensibles
Selon Mme Stall, ce médium est apte à traiter de thèmes sensibles tels que la mort ou la violence. « Une fois que vous avez amené le public à croire à la vie de ce personnage, en arrêtant de la manipuler, il est mort. [C’est] une façon d’autant plus déchirante qu’en tant que public, on a investi ses pensées et ses émotions dans ce personnage », poursuit Mme Stall.
« Tu peux parler de choses très profondes sans être brutal. On parle souvent de la vie et de la mort avec la marionnette parce que si elle arrête de bouger, c’est la mort », mentionne une étudiante du DESS Rhayssa Freire, qui a le projet de mettre cet art au profit de la prévention du suicide, à la fin de ses études.
Du Brésil à l’UQAM
« Quand on travaille avec la marionnette, c’est comme si les gens devenaient des enfants », exprime Rhayssa Freire, originaire du Brésil. Celle-ci a fait l’équivalent d’un baccalauréat en littérature française à l’Université de Brasília, au Brésil. Après avoir suivi un cours complémentaire sur l’initiation à la marionnette, elle est entrée dans un laboratoire de théâtre à l’université dédié à ce médium. L’équipe avec laquelle elle a monté un numéro de marionnette, qui a nécessité trois années de travail, a remporté une bourse du fond d’appui à la culture de la ville de Brasília.
« Je me suis dit que je peux vivre de ça, mais il faut que j’étudie », raconte Rhayssa Freire. Après avoir consulté les programmes de marionnettes de France et de Belgique, son choix s’est arrêté à l’UQAM, le seul établissement universitaire au Canada à offrir une formation spécifique à cet art.
Le médium du projet final est laissé au choix des étudiants et des étudiantes : bois, métal, silicone, plastique, papier mâché, ombres ou autres. « On donne les outils fondamentaux et ensuite il appartient à chaque artiste d’aller en fonction de ses goûts et ses envies », précise Dinaïg Stall.
Photo : PATRICE TREMBLAY
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