Du rêve de Walaa à la réalité

SÉRIE | Regard sur les RIDM

What Walaa Wants offre un regard rafraîchissant sur le conflit israélo-palestinien en nous présentant un personnage plus vrai que nature : la jeune Walaa, 18 ans, qui rêve d’entrer dans la police.

Jeune femme au tempérament bouillonnant, Walaa Khaled Fawzy Tanji ne passe jamais par quatre chemins. « Autorité palestinienne ou non, à 18 ans, j’aurai un fusil », assure Walaa dès les premières minutes du film.

Issue du camp de réfugiés de Balata, dans l’est de la Palestine, où s’entassent 24 000 personnes sur 250 mètres carrés, Walaa est encore une enfant lorsque sa mère est arrêtée par la police israélienne et jetée en prison pour huit ans. Aux yeux de la jeune fille, il n’y a alors qu’une option : réaliser le rêve de sa mère et devenir policière au service de l’Autorité palestinienne.

Tantôt pétillante et joyeuse, tantôt lionne avec un mordant hors du commun, Walaa transcende l’écran. « Lorsque j’aurai une arme, je vous arrêterai », lance à la blague Walaa à ses amies en fumant la shisha. « Je ne me marierai pas ! À quoi sert un homme de toute façon ? », s’enflamme-t-elle auprès de sa mère le soir même, indomptable.

Tout au long du film, cette énergie que dégage Walaa est mise à mal par la dure réalité de la Palestine moderne. D’abord, par le camp de formation de l’Autorité palestinienne, où elle est la bête noire de ses supérieurs qui cherchent à mater son caractère, ensuite par la colonisation israélienne qui étouffe la Palestine et met en danger sa famille.

« Je suis tombée sur Walaa en accompagnant des amis danois qui donnaient des ateliers de design de jeux vidéo en Palestine, raconte la réalisatrice du documentaire Christy Garland, présente à la projection du film. Elle m’a frappé immédiatement. Elle faisait rire toutes les filles de la classe, elle terminait ses exercices plus rapidement que tout le monde. Elle était intelligente, drôle, effrayante aussi. »

Elle réservait par ailleurs une surprise à l’auditoire après le film : une visioconférence intime avec Walaa, debout à 4h du matin en Palestine, disposée à répondre aux questions du public. Une expérience touchante qui donnait l’impression que le réel dépassait l’écran.

« Je rêve maintenant de devenir général, comme ma mère », annonce Walaa, qui est engagée au poste de police malgré la rigueur du camp de formation, l’incarcération de son frère et la misère de sa condition.

Avec ses plans contemplatifs où Walaa fait du cheval en bordure de sa cité et ses moments comiques, What Walaa Wants offre un cinéma d’observation touchant qui se distingue des portraits politiques très critiques que l’on retrouve de la crise palestinienne habituellement.

« À l’époque, je connaissais très mal la Palestine. Alors, la seule chose que je pouvais offrir, c’était de montrer ce monde à travers les yeux de Walaa », affirme la réalisatrice canadienne, qui a commencé son tournage en 2012 alors que Walaa n’avait que quinze ans.

Très immersif et intime, le film est dynamique, mais manque parfois de subtilité dans la manière dont sont amenés les thèmes classiques que l’on connaît de la condition palestinienne. Sans plus de saveurs, on revisite la glorification des martyrs, les intifadas et l’intolérance des autorités israéliennes envers la Palestine.

C’est véritablement l’histoire de Walaa qui donne toute sa couleur au documentaire. « Je n’ai pas participé au film pour moi, pas non plus pour mon frère ou ma mère. Je l’ai fait pour la Palestine », raconte Walaa qui, dès quinze ans, s’est embarquée dans cette aventure dont elle est aujourd’hui fière d’être la tête d’affiche.

« Je voulais montrer une jeune femme qui vit sous une pression incroyable. Presque tout le monde dans le quartier de Walaa est allé en prison », relate Christy Garland. La réalisatrice, qui collabore avec l’Office national du film (ONF), peut se dire fière d’avoir atteint son objectif avec brio.

Avec What Walaa Wants, Christy Garland a assurément réussi à donner un nouveau visage à la Palestine. Sans filtre, le film propose une histoire vivante qui donne l’impression d’une fiction tragi-comique. Une fiction qui est bien réelle, pourtant, lorsqu’on lit sur Facebook les commentaires joyeux de Walaa qui suit activement, depuis la Palestine, la tournée des festivals de son film.

photo: OFFICE NATIONAL DU FILM 

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