Les artistes jouent le rôle de pionniers quant à la revalorisation symbolique des quartiers. La plupart du temps, ces derniers finissent par y être exclus à cause des hausses de coûts à l’habitation qui suivent la gentrification du secteur.
Les artisans et créateurs de tous les horizons contribuent régulièrement à rendre leur quartier plus attrayant aux yeux des résidents et des promoteurs immobiliers. Historiquement chassés de leurs ateliers, les artistes se regroupent dans le but de protéger et promouvoir leurs espaces de création.
Le phénomène de gentrification a déclenché l’exil des artistes du Vieux-Montréal dans les années 1970. Ils ont migré au nord sur la rue Sainte-Catherine où se trouve le Quartier des spectacles pour ensuite y suivre le boulevard Saint-Laurent jusqu’à la limite du Plateau-Mont-Royal. Aujourd’hui, la migration se poursuit vers l’est dans le secteur Centre-Sud, a expliqué Guy Bellavance, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et spécialiste des problématiques du travail et de la consommation dans le secteur culturel lors d’une entrevue avec Radio-Canada.
Les artistes pionniers sont d’abord guidés vers des quartiers offrant des surfaces pour des prix de location modiques. D’anciennes manufactures abandonnées à la suite de la Grande Dépression de 1929 sont reprises dans l’intention d’en faire des ateliers. Ce phénomène s’observe dans toutes les grandes villes du monde, comme le dénote Ateliers Créatifs, organisme qui a pour mission de contrecarrer l’exode des artistes des quartiers centraux de Montréal.
Par cette présence de l’art, le grand public voit son quotidien bonifié d’éléments culturels, selon la responsable des communications de la Virée des Ateliers, Sylvie Deslauriers. «Cette appartenance au quartier est bien importante, explique-t-elle. Les gens cherchent un mode de vie, une ambiance où tout le monde peut se mixer.» Cet engouement crée une demande exponentielle pour faire partie de cet environnement, entraînant une hausse des coûts locatifs et menant même jusqu’à la délocalisation des artistes.
Les Faubourgs
Inspirée par les politiques européennes et américaines, la Ville de Montréal soutient le plan de Revitalisation urbaine intégrée (RUI) dans le but d’améliorer de façon durable le sort des résidents des territoires défavorisés. La mise en place du pôle de création des Faubourgs dans l’arrondissement Ville-Marie est un exemple concret d’initiative qui s’avère bénéfique pour contrer l’errance des artistes.
Le pôle de création culturel des Faubourgs rassemble La Grover (GrovArt), espaces locatifs pour artistes, Le Chat des artistes, organisme à but non lucratif (OBNL) qui tente de contrer l’exode des quartiers centraux de Montréal, puis la Coopérative Lézarts, regroupement d’artistes en arts visuels et médiatiques.
Ce sont plus de 250 organismes, entreprises et lieux de diffusion employant 7 500 personnes qui œuvrent dans le secteur, selon le document de Consolidation du Pôle culturel des Faubourgs comme quartier culturel, déposé par la Société d’investissement de Sainte-Marie (SISM) et les Voies Culturelles des Faubourgs en 2009.
Regroupement Pied Carré
Pied Carré (Pi2), le Regroupement des créateurs du Secteur St-Viateur Est, est un OBNL rassemblant créateurs et créatrices de tous les milieux artistiques montréalais. Situé dans le quartier Mile-End de Montréal, ce regroupement a comme mandat de maintenir, préserver et bonifier les espaces de création. Depuis 2008, il milite pour réduire les taxes des ateliers dans le but de représenter ses membres pour le développement de la vocation créative du secteur.
«Nous voulons offrir un espace pour des ateliers à un coût inférieur que celui du marché», explique Marie-Josée Lafortune, présidente du regroupement Pied Carré et directrice d’Optica. En ce sens, les quatre étages de l’organisme totalisent 200 000 pied2 et permettent aux artistes de profession d’y travailler pour des prix de location préférentiels. Bien que protégé, le regroupement reste menacé par la hausse des taxes municipales qui est difficilement contrôlable.
«Nous avons reçu l’aide financière de la Ville de Montréal ainsi que du gouvernement canadien pour permettre de poursuivre nos objectifs, poursuit Mme Lafortune. Certains voient un grand intérêt pour la communauté d’avoir des artistes dans le quartier.»
Changement de mentalité
Il est maintenant possible d’assister à la participation grandissante de la Ville dans ces regroupements d’artistes qui contribuent à la revitalisation culturelle des quartiers. «Il est souvent perçu dans l’imaginaire collectif que la culture est davantage une dépense qu’un investissement. Or, les études démontrent clairement que la culture est un moteur de développement économique», affirme Martin Roy, professeur de géographie du département de sciences humaines du Cégep de Granby et titulaire du cours Espace Urbain qui aborde les réalités urbaines des villes du monde.
Ce changement de mentalité quant à l’urbanisme des villes n’en est qu’à ses débuts. Malgré l’implantation d’initiatives culturelles visant la revitalisation des quartiers et l’assainissement des zones industrielles des quartiers centraux, les espaces de création sont toujours en état de précarité, soumis à la pression immobilière.
Photo: Alexandre Perras
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