Journal étudiant de l’UQAM, le Montréal Campus s’est fait un sang d’encre quant à son avenir. À l’aube de son anniversaire, sa plume pourrait être sauvée par des micros.
Fondé en 1980, le Montréal Campus fête cette année ses 35 ans. Une célébration marquée par des soucis financiers, qui pourraient bientôt être réglés par une fusion avec CHOQ, la radio étudiante de l’UQAM. Même si le journal étudiant souffle aujourd’hui ses bougies d’anniversaire, sa flamme est loin de s’éteindre.
La fusion entre CHOQ, Montréal Campus et SeizeNeuf assurerait à tous les médias un avenir plus sûr, sous la bannière de CHOQ média. «Nous sommes pas mal indépendants financièrement, contrairement au Montréal Campus et à SeizeNeuf. C’est pour des raisons de survie et de développement», mentionne le directeur général de la radio étudiante, Gauvain le Guennec. Avec trois entreprises encourageant l’émergence de talents déjà en place à l’UQAM, le centre médiatique a pris forme de lui-même. Un renouveau à double tranchant pour le journal. «L’inconvénient, c’est qu’il perd son indépendance financière, l’avantage, c’est que la faillite n’arrivera pas. Le but, c’est qu’en ce qui concerne le média, ce soit infini ce qu’on peut faire», soutient le directeur.
Pour l’ex-rédactrice en chef du journal ayant donné l’aval au projet, Sandrine Champigny, «c’était la voie toute indiquée». Environ 30 emplois seront créés et les échanges permettront une information diversifiée. Elle admet toutefois avoir longuement réfléchi à cette possible perte d’autonomie. «Nous ne sommes pas Québecor!» blague Gauvain Le Guennec, assurant que la convergence ne réduira pas l’indépendance informative du journal étudiant. Lors des discussions avec les futurs partenaires de CHOQ média et les associations étudiantes, des règles ont été mises en place pour que le journal conserve son esprit d’indépendance, selon Sandrine Champigny.
Si la fusion promet un avenir financier plus stable au Montréal Campus, il devra continuer d’œuvrer d’arrache-pied pour augmenter son lectorat. Pour plusieurs, cela devra passer par une refonte du journal. L’étudiant en relations publiques à l’UQAM, Félix Bernier se plaint surtout du manque de modernisme du média écrit. «J’aimerais qu’il lâche la culture traditionnelle pour s’ancrer dans l’ère du temps, comme le site Buzzfeed ou Urbania, en version papier.» Si le contenu est acceptable à ses yeux, l’étudiant trouve la présentation lourde. «Quand tu l’ouvres, c’est juste du texte, ce n’est pas attirant!»
À l’instar des médias qui remettent en question l’utilisation du papier, le Montréal Campus pourrait se concentrer sur ses plateformes web. «Qu’il publie une ou deux fois par année, peut-être. Là, c’est trop. Qui dans 10 ans va lire des journaux? Pas la clientèle universitaire actuelle», critique Félix Bernier. Pourtant, Sandrine Champigny avait refusé de couper dans les parutions papiers. «Pour un journaliste, ça a de la valeur d’être publié papier. Nous sommes une école avant tout», insiste-t-elle.
Comme ses confrères, le journal a traversé des crises financières qui sont passées à un cheveu de mettre fin à son existence. Il repose entièrement sur les subventions des Services à la vie étudiante, des associations universitaires, de la publicité et de la vente de café. Ce peu de moyens allait parfois de pair avec la grogne du public. Des étudiants avaient menacé de mettre à mort le Montréal Campus en raison d’une publicité de l’armée dans ses pages, se souvient le chef du pupitre UQAM pour l’année 2007-2008, François Richard. «Certains avaient arraché la Une de centaines d’exemplaires du Campus et une affiche au message hostile a été apposée sur la porte de ses locaux», relate-t-il. L’équipe avait dû avoir de sérieuses conversations sur les politiques publicitaires, puisque le journal comptait à l’époque sur les publicités pour une majeure partie de son financement.
La situation n’aura jamais découragé les artisans du Montréal Campus. En dépit des difficultés, l’équipe a remporté le prix du Devoir de la Presse étudiante dans la catégorie universitaire l’an dernier. «La qualité de la rédaction, la diversité, la richesse des sujets, le fait qu’un journal ne s’intéresse pas seulement à son établissement, mais aussi à sa ville, sa région. On essaie de voir un ensemble de choses qui montre la véritable qualité d’un média», explique la coordonnatrice du Devoir de la presse étudiante, Anne-Marie Marcotte. Pour l’organisation, il est important de mettre de l’avant les efforts des journaux étudiants. «Vous n’avez pas les mêmes ressources que les médias traditionnels, mais vous êtes capables de produire de la qualité, mentionne-t-elle. Et parler à un public jeune d’enjeux plus larges, c’est important.»
Au service des étudiants
Créé au départ pour jouer le double rôle de formateur et d’informateur, le journal a vu progresser des centaines d’étudiants. Plusieurs exercent aujourd’hui leur plume pour Le Devoir, La Presse ou L’Actualité. Malgré ses défauts, le Montréal Campus remplit une fonction primordiale, rappelle le journaliste à La Presse, François Richard. «Offrir à ses artisans une expérience de travail conforme aux standards des médias professionnels, c’est essentiel. J’ai rencontré tout au long de mon par- cours professionnel des anciens du Campus qui ont réussi à faire leur place dans un milieu compétitif. Il faut croire que c’était une bonne école.» Une école dont les changements dépendront d’un vote, le 30 janvier lors de la réunion du Comité à la vie étudiante, pour statuer sur la possible fusion avec CHOQ. Si ce vote s’avérait positif, un référendum se tiendrait en février pour obtenir l’avis des membres de la communauté uqamienne. De nombreux défis se dressent encore sur le chemin du journal avant que celui-ci ne puisse définitivement continuer à évoluer, la tête hors de l’eau.
Laisser un commentaire