L’autre jour, une de mes amies me balance: «Les frais de scolarité? Je ne serai plus à l’Université à ce moment-là, alors je m’en crisse pas mal…» Outre l’envie de l’étriper, j’essaye tant bien que mal de lui expliquer l’enjeu de la mobilisation qui dépasse de loin les contours de son nombril. La hausse des frais est un abcès libéral qu’il faut éclater, et rappeler à nos dirigeants parfois autistes que s’ils gouvernent, c’est grâce à nous, et pour nous.
J’enfonce sans doute des portes grandes ouvertes lorsque je dis que les assemblées générales doivent être remplies, afin que chacun puisse amener sa voix. Question de démocratie, on s’entend. Mais lorsqu’on les voit vides, malgré l’acharnement quasi désespéré des meneurs de grèves, on va très vite se poser la question de la légitimité de cette grève. Qui a raison? Les 5% d’étudiants qui disent représenter un ensemble démotivé? Ou ces 95 autres qui sont incapables de se déplacer pour lever une main, et qui seront repris par des politicards comme «une masse silencieuse qui soutient la réforme»?
Peut-être que mon amie sera d’accord pour faire partie de cette masse silencieuse, les autres s’en foutent quoi qu’il arrive. Mais est-ce vrai que cela ne les concerne pas? S’ils pouvaient voir plus loin que leur nez, ils pourraient comprendre que hausser les frais les affectera un jour ou l’autre. Soit parce qu’ils décideront de reprendre les études, soit parce qu’ils auront eu des enfants. La hausse est un discours cyclique, qu’on nous ressort de temps à autre. Qui nous dit que cela ne sera pas de même le jour où nos enfants iront étudier?
J’espère que ceux qui restent affalés dans leur sofa lors des manifestations auront un sacré bon job pour payer l’université de leurs chérubins. Dans 20 ans, on nous remâchera le discours actuel – dans les autres provinces, on paie plus; les universités sont sous-financées; on a plus d’argent, aux étudiants de payer! Et on augmentera à nouveau ces frais. Et là, qui paiera la hausse sinon nous, futurs parents?
Déni de démocratie
Autre endroit, même problème de démocratie. Le syndicat des chargés de cours a eu l’idée de proposer ses candidats à l’élection du comité de négociation de la convention collective. L’assemblée du syndicat, dont le quorum est institué à 5%, a entériné l’élection, à l’unanimité. Le comité exécutif n’y voit aucun inconvénient à ce qu’on puisse nommer les candidats, avis juridique en main. À y réfléchir de plus près, est-ce de bonnes manières dans notre vie démocratique?
Dans un temps pas si lointain, adouber des candidats à une élection fantoche où les candidats de l’opposition seraient écartés et la population ne ferait que valider les choix, relevait des régimes autoritaires. Mais quand on comprend qu’il y a un bénéfice personnel à élire ses chiens de poche, pour négocier dans un intérêt clientéliste, en plus de profiter d’une manne financière non négligeable, on tombe dans des méthodes soviétiques.
Depuis quand nommer les candidats est un processus démocratique? C’est une honte de la part du comité d’exécutif d’oser légitimer leur manière de faire. Et c’est encore plus honteux que les chargés de cours laissent faire leurs dirigeants ce qu’ils veulent depuis plusieurs années… Un peu comme des étudiants face au gouvernement, le seul moyen de relancer la démocratie, c’est que tout le monde y participe.
Arnaud Stopa
Chef de pupitre UQAM
uqam.campus@uqam.ca
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