La cyber-réputation
Taper son nom dans un moteur de recherche peut générer bien des surprises. À l’ère où la participation aux réseaux sociaux, blogues et autres forums est monnaie courante, chacun se construit une cyber-réputation. Pour le meilleur et pour le pire.
Marie-Pier* festoie pour l’anniversaire d’une amie. Elle a obtenu congé au travail. Officiellement, elle est malade. «Je savais que certains de mes collègues étaient “amis” avec ma gérante sur Facebook et je les avais avertis de ne pas publier les photos de la soirée», souligne l’étudiante universitaire de 20 ans. En dépit de ses avertissements, des photos sont mises en ligne. Résultat ? À son retour au travail, Marie-Pier est accueillie par les réprimandes de sa patronne et du propriétaire de la pharmacie.
86% des internautes canadiens ont un profil sur un site de réseautage social, selon une étude publiée en 2009 par la société Ipsos Reid. «La génération Y évalue mal les conséquences de la cyber-réputation, estime Jérôme Coutard, président de Filteris, une firme québécoise spécialisée dans la gestion de la réputation en ligne. Pourtant, en Amérique du Nord, 80% des recruteurs consultent le Web avant d’embaucher en tapant simplement le nom du postulant dans un moteur de recherche.»
La prudence est donc de mise, car la toile a la mémoire longue. «La disparition de l’information sur le Web, c’est un mythe, soutient Jérôme Coutard. Même si un jugement de la Cour reconnaît qu’il y a atteinte à la vie privée ou diffamation, il reste que l’information en cause a pu être transférée sur d’autres serveurs. C’est presque impossible de la récupérer.»
La mésaventure de Marie-Pier a eu le mérite de lui faire voir le Web d’un autre œil. «J’ai modifié les paramètres de confidentialité de mon compte Facebook. Aujourd’hui, je garde une distance entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle.» Reste qu’il est difficile de contrôler ce que les autres publient. En repensant à son expérience, Marie-Pier croit que sa vie privée a été atteinte. L’idée que sa gérante ait utilisé contre elle des informations qu’elle juge personnelles la dérange. L’histoire de la jeune femme n’est pas sans rappeler celle de Nathalie Blanchard. En octobre 2009, cette Québécoise en arrêt de travail pour épuisement avait perdu ses prestations d’assurance après que son assureur ait vu des photos d’elle festoyant dans un bar.
S’agissait-il d’une intrusion dans la vie privée? Non, répond Me Marcel Lacoursière, conseiller juridique à Radio-Canada. «Si quelqu’un publie une information sur un réseau social, il y a renonciation implicite à la vie privée», explique-t-il. D’un point de vue légal, ce qui se retrouve sur les réseaux sociaux peut être utilisé comme preuve. «Ce n’est pas une preuve hors de tout doute, mais cela amoindrit ou renforce l’ensemble de la preuve, nuance Me Marcel Lacoursière. Cependant, si cette information a été placée sur le Web par un tiers, il devient plus difficile pour un employeur de s’en servir.»
Utiliser le Web à son avantage
Dans le Web 2.0 comme dans la réalité, maintenir une bonne réputation reste toutefois possible. «La création d’un réseau structuré favorisant la qualité des informations et non la quantité montre qu’un individu est capable de réseauter intelligement, d’avoir une vie sociale à la manière 2.0», explique Jérôme Coutard de Filteris. D’où l’importance de bien choisir ses amis Facebook pour éviter que cela se retourne contre soi.
Les 40 consultants de Filteris veillent depuis 2002 à l’image numérique de leurs clients, allant des petites et moyennes entreprises aux multinationales. Le marché de la cyber-réputation est évalué à trois milliards de dollars d’ici 2013. «Un individu peut lui-même produire des contenus positifs pour son image sur des sources influentes», suggère Jérôme Coutard. La recette? Créer du contenu valorisant, le mettre à jour et s’assurer de l’affluence sur ses sites. Ouvrir un blogue pertinent ou refaire sa page Facebook ou Linkedin (son pendant professionnel) augmente donc les chances de voir vos bons coups se retrouver en tête des résultats des moteurs de recherche, plutôt que vos soirées de beuveries. Et pour le tester, il ne reste plus qu’à se «googler»!
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