Les recruteurs prennent d’assaut les réseaux sociaux
Les yeux rivés à leur page Facebook, ou concentrés sur le visionnement de vidéos sur Youtube, la nouvelle génération est de plus en plus difficile à rejoindre. Aux prises avec un besoin criant en main-d’œuvre qualifiée, certaines entreprises adaptent leurs stratégies de recrutement aux médias sociaux.
Une file d’attente serpente devant l’Hôpital Sacré-Cœur et déborde jusque dans le stationnement, constate une journaliste chinoise, alors qu’un homme déguisé en arbre tente d’entrer par la porte d’à côté. Il ne s’agit pas de patients agonisants, explique à la caméra une personne dans la queue. Ce sont plutôt des diplômés qui veulent se faire embaucher à l’hôpital. Le reportage bidon, réalisé et diffusé sur Youtube par l’Hôpital Sacré-Cœur, est un exemple de ces nouvelles tactiques de recrutement utilisées par les employeurs pour rejoindre la jeune génération.
«Le lipdub de l’an dernier, mettant en scène les employés de l’hôpital, nous a permis de recevoir plus de 7 000 candidatures, explique Véronique Allaire, conseillère en communication à l’Hôpital Sacré-Cœur. En plus, cette stratégie nous coûte moins cher que d’afficher les offres d’emploi dans les journaux.» La campagne avait permis à l’hôpital de hausser d’un tiers l’embauche d’infirmières et de combler les autres postes vacants. Le centre de santé a maintenant meilleure mine malgré la pénurie de main-d’œuvre dans le milieu hospitalier.
La stratégie s’intègre dans une nouvelle tendance, remarque Stéfanie Forcier, planificatrice stratégique chez Cartier Communication, la firme à l’origine de la campagne de l’Hôpital Sacré-Cœur. «Il y a un gros effort de la part des entreprises pour accroître leur présence sur le Web et les médias sociaux, souligne la jeune femme. De plus en plus, Internet est un lieu de recrutement, de recherche d’emploi et même de réseautage professionnel.» Les vidéos, diffusées sur Youtube, sont souvent reprises par les utilisateurs de réseaux sociaux comme Facebook. Le partage de ces créations multimédias accroît donc la visibilité des occasions d’emploi et ce, gratuitement.
Selon la planificatrice stratégique, les méthodes traditionnelles d’offre d’emploi ne fonctionnent plus. «Une annonce dans un grand quotidien montréalais coûte plusieurs milliers de dollars et ne rapporte souvent que trois ou quatre curriculum vitæ. Pour moins cher, on peut aller chercher davantage de candidatures sur la toile. C’est là que se trouve notre bassin de recrutement potentiel.»
Aux grands maux les grands remèdes
La génération des 18-34 ans, aussi appelée génération W pour Web, est très présente sur la toile. Dans certains secteurs, les entreprises doivent maintenant approcher les nouveaux diplômés plutôt que d’attendre passivement qu’ils viennent à elles, soutient Stéfanie Forcier. «Les candidats ont aujourd’hui l’embarras du choix lorsqu’ils magasinent un employeur potentiel. Les entreprises se battent pour attirer des recrues et offrir de bonnes conditions. Il y a quelques années, c’était l’inverse.»
Plusieurs entreprises ont donc fait le grand saut sur le Web. C’est le cas de la compagnie L-ipse, qui œuvre dans le domaine des technologies de l’information, à Québec. La firme, en compétition directe avec des géants mondiaux tels que IBM et CGI, a récemment décidé de dédier la totalité de son site Web au recrutement d’employés. Sur la page principale, la compagnie vante les quatre semaines de congés, la semaine dans les Caraïbes pour tous les conseillers, la rémunération concurrentielle et le programme d’assurances collectives. «Nous œuvrons dans un domaine hautement compétitif, explique le directeur général, Steven Garneau. Si nous voulons nous assurer de recruter les meilleurs candidats, il faut mettre le paquet, avoir de la visibilité et aller vers les candidats potentiels, c’est clair et net.»
Une stratégie plus humaine
Diane-Gabrielle Tremblay, professeure de gestion à l’UQAM, voit en ces initiatives une manière pour les employeurs de se forger une image de marque. «Ces annonces sur le Web me semblent davantage un cri d’alarme dans des milieux en pénurie de main-d’œuvre, croit aussi la spécialiste en ressources humaines. Elles essaient de se distinguer pour attirer les rares candidats.»
Dans le cas de l’Hôpital Sacré-Cœur, la refonte de l’image avait aussi pour but de montrer une institution plus vivante, rappelle Stéfanie Forcier, de Cartier Communication. «Ça nous a permis de donner une personnalité à l’hôpital.» Selon elle, le Web permet avant tout de donner un côté humain au recrutement. «Dans le cas de la campagne Sacré-Cœur, par exemple, le reportage loufoque et le lipdub ont permis de montrer le vrai personnel de l’hôpital. On a finalement pu abandonner le stéréotype de l’infirmière anonyme aux bras croisés avec le stéthoscope que l’on voit parfois dans les publicités.» Qui sait, les futurs diplômés pourront peut-être chercher un emploi sur Youtube, entre le visionnement d’un nouveau vidéo viral et le nouveau vidéoclip de Lady Gaga.
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