Centième anniversaire de la paroisse Notre-Dame de la Défense
La paroisse Notre-Dame-de-la-Défense souffle ses cent bougies cette année. Son églilse, nommée lieu historique par le gouvernement fédéral, est un témoin privilégié de l’histoire de la communauté italienne de Montréal. Voyage au cœur de la Petite Italie, son histoire et l’héritage culturel des premiers Italo-québécois.
C’est un des derniers beaux dimanches de l’été. Ils sont quelques dizaines d’italo-Québécois, jeunes et moins jeunes, à s’entasser dans l’église romane Madonna della Difesa pour la messe dominicale en italien. On se presse à la porte, on salue le curé Igino Incantalupo d’un geste de la main. Sous la gigantesque fresque au plafond, on se croirait presque en 1910, année de naissance de ce qui deviendra la plus importante paroisse italienne au pays.
La vie était alors rude pour les immigrants italiens, ouvriers en construction pour la plupart. Giuseppe Ferrarelli, arrivé il y a une cinquantaine d’années, admire le courage de son père. «Il était aventurier, mais c’était pas facile de changer de pays, de changer de monde», s’exclame-t-il. Accoudé au bar de la Casa Napoli, un verre de campari en main, celui que ses amis surnomment «Jo» se remémore avec tristesse le déménagement de sa famille en Colombie-Britannique. Le père Ferrarelli avait tout essayé, mais les emplois pour les Italiens à Montréal se faisaient rares. Le petit «Jo» et sa famille n’avaient plus d’autres solutions que de s’exiler dans l’Ouest. «Il est parti, mais tenait à revenir ici coûte que coûte.» Pourquoi ? Parce que c’est à Montréal que les Italiens voulaient vivre. De sa voix rauque et s’exprimant beaucoup avec ses mains vieillies, Giuseppe raconte, ses mains vieillies s’agitant au rythme de sa voix rauque, l’histoire partagée par bien des immigrants italiens du début du siècle.
Le recteur de l’UQAM, Claude Corbo, connaît bien le récit, puisque son père est arrivé avec cette vague d’immigration italienne et a travaillé avec Giuseppe Ferrarelli. Selon lui, «la première génération d’immigrants a dû tirer le diable par la queue, la deuxième est arrivée à mieux s’intégrer et la troisième a réussi à être prospère.»
Au départ, beaucoup d’Italiens prévoyaient passer quelques mois au Québec, renflouer leurs coffres, puis retourner se procurer une terre dans leur pays, explique Michel Ibernardo, employé de la société d’histoire de l’arrondissement de Rosemont, où se situe la Petite Italie. «Les Italiens qui arrivaient ici étaient réellement pauvres. Ils se faisaient dire que l’argent, au Canada, ça se ramassait à la pelle. Alors que c’était vraiment pas ça», raconte-t-il. Le coût des terres en Europe augmentant sans cesse, ceux qui retournaient dans leur patrie n’arrivaient jamais à acheter quoi que ce soit. C’est ainsi que plusieurs ont décidé de rester au pays de l’érable.
Giuseppe Ferrarelli explique qu’il y a cent ans, lorsque ses aïeux arrivaient au pays, ils se réunissaient dans le parc au coin des rues Saint-Zotique et Saint-Laurent. C’est là que le gentilhomme Martel ouvrait les portes de ses granges pour offrir un peu de chaleur à ces immigrés qui lui faisaient tant pitié. Ce fut le premier endroit où les Italiens se rencontraient pour discuter politique, agriculture et…soccer! Sans le savoir, ils jetaient les fondations de ce qui deviendra aujourd’hui la Petite Italie. Cent ans plus tard, les lieux de rencontre des Italiens à Montréal se sont raffinés, mais se trouvent toujours, pour la plupart, entre les rues Beaubien et Jean-Talon.
«Cette paroisse-là a été construite pour tous les Italiens du Canada», souligne Giuseppe Ferrarelli après s’être commandé un espresso bien tassé. Tous les membres de la communauté devaient œuvrer sur le chantier une journée par mois, bénévolement, pour l’édification de cette église. Elle a été bâtie par le célèbre architecte Guido Nincheri en mémoire des apparitions de la Madona à Casacalenda, dans le sud-est de l’Italie. «On n’avait pas de subventions de personne», renchérit le comptable italien avec émotion. Selon Ida Mauri, une des plus vieilles paroissiennes de la Madonna della Difesa, cet endroit était alors le lieu de rencontre privilégié de toute la communauté italienne. «Ils ont construit cette église pour ne pas la partager avec d’autres», ajoute-t-elle.
Lors de la création de la Petite Italie en 1996 par Ferrarelli et d’autres, le maire Bourque a reconnu que la métropole était redevable de chaque goutte de sueur versée par les immigrants italiens. Surtout qu’aujourd’hui, les italo-Québécois se démarquent dans tous les domaines, autant culturels qu’économiques. «Les Italiens ont tout apporté à Montréal, lance à la blague Luigi Napolitano, restaurateur bien connu de la Petite Italie. La gastronomie, le manger, le boire, la mode, le soccer!» Il cite aussi l’exemple de l’industrie de la construction. D’abord sollicités dans la construction des chemins de fer, les Italiens sont maintenant omniprésents dans ce domaine.
Michel Ibernardo ajoute que les Italiens ont su implanter leur culture au Québec. «Les zuchinis, les aubergines, tout comme les poiriers ou les pruniers dans les arrière-cours, ils ont apporté des couleurs et des coutumes de leur pays.»
Troisième groupe européen d’importance au Québec, après les Français et les Anglais, ils représentent 6,6 % de la population de l’Île. La majorité habite encore la Petite Italie ou le quartier de Saint-Léonard, mais la diaspora se situe un peu partout à Montréal.
Malgré l’histoire de ses ancêtres, Giuseppe Ferrarelli se dit d’abord canadien, puis québécois, et ensuite italien.»
Les paroissiens d’aujourd’hui ne sont plus ceux qui ont posé les pierres de l’église, mais l’amour des italo-Montréalais envers leur patrie est toujours aussi intact.
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