Fausse alerte à la bombe, véritable arrestation

La journée du 16 mars 2010 restera un souvenir douloureux pour Salime Zahaf. L’étudiant en conseil et management à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM a été suspecté à tort par le Service de prévention et sécurité de l’UQAM de porter une ceinture d’explosifs en plein cœur du pavillon J.-A.-DeSève.
Mardi, 14h20. Un uqamien alerte le Service de prévention et de sécurité de l’UQAM de la présence d’un individu portant une possible bombe dans l’enceinte universitaire. D’après la description, le suspect avait les cheveux courts et portait un manteau noir. Salime Zahaf, d’origine algérienne, est repéré quelques minutes plus tard dans le pavillon DS et aussitôt suspecté. Les agents de sécurité de l’UQAM demande à l’étudiant de s’identifier. Il refuse, ne comprenant pas la situation. Le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) arrive sur place et procède alors à son arrestation. Quatre policiers le projettent au le sol, croyant qu’il cherche à s’échapper, et le menottent. Il est relâché moins d’une heure plus tard.
«Une vieille blessure au dos a été ravivée lors de l’intervention des policiers, explique l’étudiant. Je peine à marcher ou même à maintenir une position.» Depuis, Salime Zahaf a également entamé une thérapie de longue durée avec un psychologue. Malgré ses cours, l’étudiant ne compte pas remettre les pieds à l’Université avant trois semestres.
Profilage racial?
Pour Salime Zahaf, ça ne fait aucun doute: «J’ai été victime de profilage racial, clame-t-il. Ils se sont intéressés à moi à cause de mon origine ethnique.». Selon lui, trois personnes sur les lieux correspondaient aussi à la description. Pourtant aucun autre individu n’a été intercepté. Les agents de sécurité ont ratissé les lieux pendant plus d’une heure après l’arrestation, d’après le directeur de la sécurité de l’UQAM.
Les évènements ont fait ressurgir chez Salime Zahaf d’amers souvenirs. «J’ai quitté mon pays natal, l’Algérie, afin de ne plus avoir à vivre des situations de ce genre.» Le père de famille a immigré au Québec il y a quatorze ans de cela. «Depuis mon arrivée, je n’ai jamais eu de problèmes. Je travaille pour le gouvernement et mes enfants fréquentent des institutions québécoises.»
L’homme de 37 ans a décidé de porter sa cause devant la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. L’étudiant juge avoir assez de preuves matérielles pour corroborer ses dires. «J’ai l’enregistrement audio qui prouve que les agents de sécurité  n’ont suivi d’aucune façon le protocole de la Commission. S’ils s’étaient présentés et avaient expliqué la situation, il est évident que j’aurais facilité leur travail.» Salime Zahaf est également certain que les vidéos de surveillance de l’UQAM joueront en sa faveur.
Pour le directeur du Service de prévention et sécurité de l’Université, Alain Gingras, c’est l’étudiant qui a mis le feu aux poudres. «Il ne s’agit pas ici d’une question de profilage racial, mais de refus de s’identifier conformément au règlement 10 de l’Université. Si l’homme avait daigné décliner son identité, nous ne serions pas ici pour en parler».
Selon Alain Gingras, qui a demandé en personne à Salime Zahaf de s’identifier, seul l’étudiant d’origine algérienne correspondait à la description fournie par l’appel téléphonique. «Personnellement, c’est le seul que j’ai remarqué. Peut-être qu’il y en avait d’autres, mais dans ce contexte de nervosité, mon focus s’est fait rapidement sur lui. Le profilage racial, c’est travailler sur la condition des individus, sur leur origine. Pour nous, c’est la description qui est déterminante.»
Rectifier le tir
Même s’il ne compte pas s’excuser auprès de la victime, Alain Gingras songe à convier Salime Zahaf pour discuter. «Nous aimerions comprendre ce qui s’est passé. Peut-être avons-nous agi d’une manière déplaisante ou agressante. S’il y a lieu, nous ajusterons notre tir.» Salime Zahaf ne sait pas encore s’il acceptera l’invitation.

Le litige se retrouve maintenant devant la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. C’est la première fois cette année, depuis la création de l’organisme en 1975, que les plaintes reçues pour profilage racial arrivent en tête de liste.
Aucune formation de sensibilisation au profilage racial n’est dispensée aux agents de sécurité de l’UQAM, contrairement aux policiers de la ville de Montréal.
 

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *