Les Québécois qui résident à l’est de Matane ou de Baie-Comeau doivent maintenant prendre leur voiture s’ils désirent mettre la main sur Le Soleil. Depuis juin, le quotidien n’est plus distribué à domicile dans ces régions; seuls les dépanneurs et les épiceries offrent encore la version papier. Petite consolation: les collaborateurs demeurent en place pour fournir des nouvelles locales.
Le journal, qui appartient au groupe de presse Gesca, justifie sa décision par l’explosion des coûts de livraison, la diminution du nombre d’abonnés et la baisse des revenus publicitaires. Bref, cela ne rapportait pas assez d’argent.
Le Soleil n’est pas le seul média à connaître des difficultés financières. Toujours dans la grande famille Gesca, La Presse suit présentement un régime minceur. Après avoir supprimé son édition du dimanche et réduit radicalement son nombre de pages, le quotidien montréalais demande au syndicat plusieurs concessions importantes d’ici le 1er décembre, faute de quoi il mettra la clé sous la porte.
Autre exemple. L’imprimeur et éditeur Transcontinental a annoncé la semaine dernière une baisse de profits de 15% au troisième trimestre. En février dernier, l’entreprise, quatrième groupe de presse au Canada, avait supprimé 1750 postes, dont 300 au Québec.La Belle Province reste toutefois chanceuse dans son malheur. La situation demeure meilleure qu’aux États-Unis, où plusieurs journaux ont tout simplement disparu.
Stratégie perdante
Ces dernières années, la multiplication des plates-formes médiatiques – télévision, Web, magazine, cellulaire, etc. – a entraîné un éclatement de la tarte publicitaire, principale source de revenus des médias. Combiné à la crise économique, c’est la merde: l’offre d’espaces publicitaires augmente alors que la demande diminue.
Mais la dèche dans laquelle baignent les journaux écrits ne provient pas uniquement du contexte économique. La stratégie d’affaires des grands groupes de presse est elle-même à blâmer. Pendant longtemps, ils ont acquis journal après journal – parfois au prix de longues batailles commerciales – en espérant que la concentration permettrait des économies d’échelles.
Alors que ces dernières se sont avérées plus ou moins réelles, la centralisation a entraîné un nouveau mal. Lorsqu’un journal est acheté par un groupe de presse important, il perd généralement sa capacité d’initiative. Il ne peut innover, se transformer ou se réinventer sans l’aval des grands patrons. Il est victime d’obésité médiatique.
En temps normal, aucun problème. Mais lorsqu’une nouvelle donne arrive, Internet, par exemple, c’est la catastrophe. Dans un contexte où aucun modèle prédéfini n’existe, mieux vaut laisser le plus de personnes possible expérimenter pour trouver une solution. Lorsqu’un groupe de presse en impose une à tous ses journaux, il fait l’inverse. Le risque est grand; si la directive se révèle mauvaise, l’empire au complet fléchit.
Avenir local
Dans le domaine des nouvelles internationales, nationales et même provinciales, les quotidiens ne peuvent compétitionner avec le Web en terme de rapidité. Pour survivre, la presse écrite doit se tourner vers l’analyse, l’exclusivité et l’actualité locale. Ce dernier mot fait peur, tant aux journalistes qu’aux lecteurs. Pour les premiers, il est synonyme de fêtes de quartier et de ligues sportives amateurs. Pour les seconds, il réfère à un journal bourré de publicités qui se retrouve au recyclage dès la réception.
Le journalisme local de qualité existe pourtant. Les Hebdos Montérégiens et Graffici, entre autres, le démontrent bien. Lorsque les nouvelles sont intéressantes, bien écrites et présentées avec une belle signature graphique, les lecteurs suivent. Avec eux viennent la publicité… et la rentabilité.redacteur.campus@uqam.ca
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