Deux universités souffriraient de dérives immobilières
La dérive immobilière de l’UQAM n’aura pas servi de leçon aux universités québécoises. Selon un chercheur de la Téluq, d’autres établissements d’enseignement postsecondaire s’enlisent graduellement dans une dette immobilière astronomique.
Les dettes immobilières de l’Université Laval et de l’Université de Montréal (UdeM) atteindrait respectivement 600 et 750 millions de dollars. C’est ce que révèlent les résultats préliminaires d’une étude sur les fonds d’immobilisation des universités québécoises dirigée par Michel Umbriaco, spécialiste de la gestion des universités à la Télé-Université du Québec. Par comparaison, si le gouvernement n’avait pas effacé la dette engendrée par la construction de l’îlot Voyageur et du Complexe des sciences, le déficit immobilier de l’UQAM aurait atteint le demi-milliard de dollars et 2012.
Selon Michel Umbriaco, la dette astronomique des deux institutions est le résultat d’une mauvaise gestion. «C’est la même chose pour toutes les universités: elles dépensent plus que ce que le gouvernement leur donne en subventions pour la rénovation et la construction des infrastructures.» Ce sont les Québécois qui paieront la facture de l’UdeM, puisque les deux tiers du déficit de 750 M$ sont couverts par le gouvernement, c’est-à-dire qu’il en paierait les intérêts.
La situation pourrait s’envenimer, puisque l’UdeM s’apprête à construire un nouveau pavillon des sciences à l’ancienne gare de triage du Canadien pacifique à Outremont. Michel Umbriaco estime que ce projet coûtera entre 700 millions et 1,4 milliard$. À l’instar de l’UQAM avec l’îlot Voyageur, l’UdeM espère palier son manque d’espace avec son projet de développement.
Cette aventure immobilière inquiète le Syndicat général des professeurs et professeures de l’UdeM (SGPUM). «Alors que les finances sont serrées et que l’on coupe à plein de niveaux, l’Université s’engage tête baissée dans un développement immobilier sans précédent, déplore le secrétaire du SGPUM, Michel Seymour. L’UdeM n’a aucune assurance de financement et un endettement dangereux guette l’institution. Cet idéal de grandeur, ça commence à ressembler à l’îlot Voyageur.»
Le représentant syndical ne croit pas que le nouveau complexe des sciences soit la seule solution pour combler le déficit d’espace. «On pourrait agrandir les pavillons qui existent déjà et construire des stationnements souterrains.» Michel Seymour exige toutefois que des études fouillées et détaillées soient réalisées avant le début de toute construction, car «il y en a jamais eu».
Contestation universitaire
À l’Université Laval, l’adjoint à la vice-rectrice à l’administration et aux finances, Denis Rochon, réfute le montant négatif de 600 M$ avancé par Michel Umbriaco. «Je suis très au fait de la situation financière et il n’y a pas de dérive immobilière. Le déficit d’entretien et de rénovation du parc immobilier s’élève à 300 M$. Nous avons une procédure de gestion très rigoureuse et tous les projets immobiliers ont été réalisés dans les paramètres que l’on s’était fixés.»
Selon Denis Rochon, la situation financière de l’Université Laval s’améliore graduellement. Depuis deux ans, l’établissement bénéficie de subventions plus élevées, ce qui lui permet de faire plus de travaux de rénovation. Le gouvernement estime d’ailleurs que l’Université Laval possède un excédent d’espace.
La situation est tout autre à l’UdeM, où Québec mesure un déficit d’espace de 40 000 mètres carrés. «Même si les universités manquent d’espace, Québec ne donne pas plus d’argent, explique Michel Umbriaco. C’est un cercle vicieux parce que si tu respectes les normes gouvernementales, les étudiants sont mal servis. Si tu ne les respectes pas, tu dois alors faire de la comptabilité créative.»
Depuis la dérive immobilière de l’UQAM, Québec met toutefois des bâtons dans les roues des institutions qui voudraient pratiquer une gestion douteuse. «Dorénavant, lorsque les universités financent des infrastructures sans aide gouvernementale, le ministère de l’Éducation doit approuver le projet et vérifier si les sources de financement existent bel et bien», explique Michel Umbriaco.
Malgré la nouvelle règle gouvernementale, une culture du secret entoure toujours la gestion universitaire. L’équipe de recherche de Michel Umbriaco peine à obtenir les chiffres dont elle a besoin pour son étude. «Il y a un jeu de cache-cache continuel. Disons que ce n’est pas la transparence qui étouffe les administrateurs», explique le chercheur. La multiplicité des bilans financiers n’aide pas non plus. Ces rapports sont produits à l’année civile et scolaire en plus d’être faits pour le fédéral et le provincial. «C’est de plus en plus difficile d’établir un portrait de la situation immobilière des universités. On y arrive, mais c’est très complexe.»
*L’UdeM n’a pas retourné les appels de Montréal Campus.
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