Oubliez les fientes de macareux, les calembours maladroits sur la listéria ou les insultes envers les communautés autochtones. Le sujet de l’heure, c’est ce vidéo humoristique qu’ont concocté une dizaine d’artistes et cinéastes québécois et qui donne une bien drôle d’image de la politique culturelle canadienne.
Le court métrage de trois minutes a connu un succès instantané dès sa diffusion sur YouTube. Plus de 120 000 curieux se sont bidonnés devant cette parodie du système de subventions canadien et sa prétendue fermeture d’esprit. Benoît Brière, Stéphane Rousseau, Michel Rivard et leur équipe de production, il faut l’admettre, ont fait un beau boulot: le sketch est amusant, les acteurs délirants, la facture soignée.
L’efficacité politique du produit final est cependant douteuse. Peut-être est-ce une conséquence de la réaction disproportionnée qu’a engendrée le vidéo, mais il semble que ses auteurs ont fait fausse route. Brière et Rousseau sont absolument délicieux en rednecks puritains qui hallucinent des fuck et des tits dans le discours d’un Michel Rivard abasourdi. Rien dans le sketch n’évoque cependant les retraits de subventions à la culture qui auraient inspiré la démarche. Ce que l’on retient de ces trois minutes, c’est que le budget canadien en culture est géré par des anglophones unilingues bornés, un peu attardés, qui se contrefoutent de la spécificité culturelle québécoise.
Bref, ce vidéo traite de la communication impossible entre un Québec à la culture distincte et un Canada paternaliste, déconnecté, bloqué par ses préjugés. Il parle d’un dialogue de sourds, à la fois ridicule et handicapant pour les artistes québécois.
Que le milieu culturel québécois trouve important de dénoncer ce mépris institutionnalisé peut être légitime. Mais en transformant ses revendications initiales en débat linguistique stéréotypé, un sujet important, mais qui ne touche que le Québec, il risque de s’aliéner le support des artistes du Rest of Canada, qui souffrent eux aussi des politiques conservatrices.
Un combat, deux solitudes
On a tendance à oublier que le Canada entier pâtit des mesures draconiennes conservatrices, tant le débat demeure local. Pourtant, l’ensemble des artistes canadien est sur le pied de guerre.
En Ontario par exemple, écrivains, acteurs, designers et autres membres de la communauté culturelle ont fondé un Departement of Culture qui rappelle énormément le collectif d’artistes engagés québécois. Comme leurs homologues québécois, les artistes du Canada anglais exploitent habilement les médias électroniques – site web, groupe Facebook très fréquenté, canal Youtube où sont diffusés les vidéos du collectif – pour récolter les appuis de la population. Et comme leurs collègues de Montréal, Québec ou Sherbrooke, ils rivalisent d’inventivité pour prouver que la culture, loin d’être un investissement inutile, est la colonne vertébrale du pays.
Malgré cette activité qui n’a rien à envier à celle des artistes de la Belle Province, on entend peu parler, d’un côté comme de l’autre, de ce qui se passe en-dehors de sa province. Il s’agit pourtant du même combat, et il gagnerait à être mené de front plutôt qu’en parallèle.
De l’inventivité, de la créativité, de l’audace et de la détermination? Les artistes en ont à revendre, ils l’ont prouvé. Ce qui leur manque, c’est une véritable force associative. Et s’ils décident d’unir leurs forces, gare au gouvernement qui se trouvera sur leur route. Comme l’écrivait Wajdi Mouawad dans une lettre publiée dans Le Devoir du 27 août, «Même s’ils sont marginaux et négligeables sur le plan politique, il ne faut jamais sous-estimer les intellectuels, sous-estimer les artistes; sous-estimer leur capacité à vous nuire.»
Laisser un commentaire