L’identité furry est énigmatique pour bien des esprits. Derrière les controverses, les légendes urbaines et les fursuits, se cachent des humain(e)s qui ont trouvé leur communauté bien à eux et à elles. Qui sont réellement ces furries? Le Montréal Campus est allé à leur rencontre.
« Tu vois les animaux sur deux pattes de Disney? C’est pas mal ça [que les furries font], sauf que nous, on crée notre personnage. » C’est de cette manière que David Massé, étudiant à la Maîtrise en administration à l’UQAM, décrit sa communauté aux curieux et curieuses.
La communauté furry, ou peluchiste en français, rassemble les adeptes d’animaux anthropomorphiques, c’est-à-dire les animaux aux traits physiques et psychologiques humains.
Les furries créent leur fursona, un terme attribué au personnage qu’ils et elles inventent. Pour plusieurs, cette fursona est une « extension » de leur personne. Certain(e)s peuvent créer plusieurs personnages différents et choisir lequel incarner à un moment précis.
« Je ne sais même pas si je serais encore vivant, si ce n’étaient pas des gens que j’ai rencontrés grâce à cette communauté-là »
« J’ai fait Zéphyr, qui est mon renard, qui est moi, qui me ressemble, qui a mes caractéristiques, mais je peux me faire faire un autre animal [si désiré] », explique David. L’étudiant de 27 ans se considère comme furry en tout temps, mais souligne que d’autres s’estiment ainsi uniquement lorsqu’ils ou elles enfilent leur fursuit.
« Pour beaucoup de gens, leur fursona possède des traits qu’ils souhaiteraient avoir ou qu’ils veulent cultiver. Très souvent, cette fursona est plus extravertie, plus sociable, plus à l’aise dans les interactions sociales », décrit Elizabeth Fein, professeure associée en psychologie à l’Université Duquesne en Pennsylvanie. Mme Fein contribue au Projet international de recherche anthropomorphique, l’initiative derrière le site Web Furscience.
Philip Denis, étudiant en littératures de langue française et linguistique à l’Université de Montréal, reste « pas mal pareil », qu’il incarne sa fursona ou non. Le vif intérêt de Philip pour les chats, présent depuis un jeune âge, a inspiré la création d’Ember, sa fursona, lorsqu’il avait 13 ans.
Portrait de communauté
Le fursuit, véritable symbole peluchiste, n’est pas si répandu dans la communauté. Environ 20 % des furries en possèdent un, souligne Elizabeth Fein. En effet, les fursuits peuvent coûter des milliers de dollars, selon David Massé. Certain(e)s peluchistes, à l’instar de Philip et David, se procurent plutôt un fursuit partiel, composé uniquement de la tête, des mains et de la queue.
Selon Furscience, près de 75 % des furries ont moins de 25 ans. Environ 84 % de la communauté est composée d’hommes.
« C’est un groupe de personnes merveilleux, très solidaire, joueur et créatif, qui s’investit beaucoup afin de partager une expérience de groupe positive », croit Elizabeth Fein, qui a rencontré plusieurs furries pour ses études.
Il y a un engouement envers la communauté chez les jeunes, constate David Massé. « On commence à aller chercher des jeunes de peut-être 14-15 ans, ce qui est vraiment génial », se réjouit-il.
Plusieurs tentent de déconstruire les stéréotypes auxquels les peluchistes sont associé(e)s. David Massé assure que dès qu’un membre est associé à la zoophilie, la personne est « écartée » de la communauté.
« C’est vrai qu’on est peut-être un peu plus ouverts [sur la sexualité], mais pour moi, ça n’a rien de sexuel. Puis il y a quand même une grosse partie de la communauté qui n’a rien à voir avec le sexe », renchérit Philip Denis.
Aimé(e) comme on est
Les amitiés nées grâce à la communauté furry ont marqué Marcelin Laguerre-Tremblay, diplômé en arts visuels du Cégep du Vieux Montréal. « Ça m’a permis de me faire plein d’amis qui étaient vraiment géniaux et qui étaient dans des communautés similaires, souvent dans la communauté queer, entre autres, parce qu’il y a une bonne partie de la communauté furry qui est queer », note-t-il.
« Je ne sais même pas si je serais encore vivant, si ce n’étaient pas des gens que j’ai rencontrés grâce à cette communauté-là », soutient Marcelin Laguerre-Tremblay. Le jeune homme de 20 ans a aussi appris à dessiner au sein de l’univers furry, puisque l’art et le dessin y sont très présents. « Au final, grâce à ça, j’ai fini par avoir mon diplôme d’arts visuels. »
Pour Philip Denis, la communauté furry l’aide à surmonter ses difficultés personnelles. « Je suis autiste, donc j’ai parfois de la misère à parler. Je pense que les événements furry, c’est l’un des seuls endroits où je suis capable de sortir de ma maison, d’aller là et d’y être à l’aise, même si je ne suis pas capable de parler », confie-t-il.
« Je sais que les gens là-bas vont juste m’accepter pour ce que je suis, alors qu’à l’école ou ailleurs, je me sens forcé d’avoir l’air à peu près normal », ajoute Philip.
Marcelin et David assument leur appartenance à la communauté furry dans leur entourage. Toutefois, Marcelin redoute la nouvelle étape qu’il doit franchir : son entrée au baccalauréat en musique à l’Université Concordia cet automne.
« C’est sûr que j’ai une certaine appréhension face au fait d’arriver dans une nouvelle étape, avec plus d’adultes et plus de gens qui pourraient être fermés à ça », soulève-t-il.
Marcelin ne compte pas se cacher pour autant. « Ce serait invivable. Je serais malheureux. »
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