Que faire avec un bac «inutile» ?

Dans un paysage académique où la plupart des avenues offrent des débouchés clairs et tangibles, certains programmes sont parfois considérés comme inutiles, malgré la richesse des connaissances qu’ils offrent.

« J’ai eu un éveil philosophique avec les cours proposés [au cégep]. J’ai été chanceux, mes professeurs m’ont posé de bonnes questions et m’ont donné le goût de la philo », explique Émile Dubois, étudiant de deuxième année au baccalauréat en philosophie à l’UQAM.

Un cliché persiste d’après l’étudiant : la philosophie mène uniquement à la profession d’enseignant. « Quand les gens pensent au prof de philo, ils visualisent un vieux croûton qui enseigne depuis 50 ans, mais il y a plus de débouchés qu’on pourrait penser. Par exemple, tout l’aspect logique de la philo offre des débouchés en informatique », explique-t-il. La logique enseignée en philosophie est essentielle à la conception d’algorithmes et à la résolution de problèmes, d’après l’étudiant. Elle contribue également à la création de logiciels fiables qui permettent le développement d’une pensée structurée en programmation.

Un bac complet et varié

Selon Émile Dubois, le baccalauréat en philosophie à l’UQAM est complet, touchant à de nombreuses périodes historiques et à plusieurs courants de pensée. « On parle de logique, de rhétorique, de bien parler et de reconnaître le sophisme, mais aussi de sujets variés comme la philosophie de l’amour, de la sexualité, de l’amitié, et la philo des sciences naturelles comme une méta-analyse des sciences », explique Émile Dubois. Pour lui, la philosophie est un atout dans n’importe quel domaine professionnel. « Il y a un certain thrill de trouver du potentiel dans ce domaine riche et varié », souligne Émile.

Le baccalauréat en philosophie offre la possibilité de réaliser des stages en enseignement au niveau collégial, ce qui permet aux étudiants et aux étudiantes d’envisager une carrière en enseignement, un domaine lourdement touché par la pénurie de main-d’oeuvre.

Au-delà des préjugés

Coline Pelletier a obtenu un certificat en études féministes de l’UQAM l’an dernier. Après une pause de deux ans entre le cégep et l’université, elle a cherché quelque chose qui l’intéressait vraiment et qui la motiverait à retourner à l’école.

« Je n’ai pas ressenti de pression par rapport à mes choix, mes parents voulaient que je fasse des études peu importe qu’il y ait des débouchés clairs ou non, ils voulaient que je m’éduque », explique-t-elle. Coline Pelletier s’intéressait notamment à des sujets comme la psychologie et le travail social ; le certificat en études féministes a été une révélation pour elle.

« Ça touche tellement à tout et ça m’a guidée vers des sujets qui m’intéressaient puisque je n’avais pas beaucoup d’idées », raconte l’étudiante. Elle soutient l’importance des cours de sciences humaines pour mieux comprendre le monde avant de s’engager dans n’importe quel métier.

« Après le certificat j’avais deux idées : travailler dans le communautaire et les arts. Cette année j’ai commencé un certificat en arts, mais j’aime moins [le certificat] que les études féministes. Je pense éventuellement me tourner vers le baccalauréat en psychosociologie qui m’intéresse énormément. Avoir les études féministes en plus de la psychosociologie, ça m’aiderait beaucoup », détaille Mme Pelletier.

« Dans mes cours d’introduction, j’explique toujours aux étudiants que je ne serai jamais capable de les convaincre que les études en philosophie ou en sciences des religions sont nécessaires, mais je pense être capable de les convaincre que c’est [important] », dit Joël Madore, philosophe et professeur au Département de sciences des religions de l’UQAM.

Des questions de rentabilité

Le professeur insiste sur le rôle crucial de ces disciplines dans la réflexion sur des questions fondamentales de l’existence telles que l’amour, la justice et le sens de l’amitié.

Joël Madore déplore une tendance qui priorise la rentabilité des recherches au détriment de la pédagogie d’enseignement. Il critique le système qui valorise exclusivement l’utilité immédiate, laissant peu de place à l’enseignement pour le simple plaisir de l’inutile et de l’étonnement.

« Il faut constamment se justifier et rentabiliser une recherche qui doit être de plus en plus productive », constate-t-il avec un arrière-goût d’amertume.

Mention photo : Chloé Rondeau

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