Vers une ville à l’image de sa jeunesse

La participation des jeunes aux élections municipales est invariablement faible chaque année. Entre désintérêt et incompréhension, les raisons qui poussent les 18-25 ans à renoncer à leur vote sont multiples. Les jeunes candidats et candidates qui se présentent cet automne entendent toutefois changer cette tendance.

« On dirait qu’on participe à un plus gros changement quand on vote au provincial qu’au municipal », « on ne sait pas vraiment comment ça fonctionne », « il y a énormément de paliers, on sait plus tout à fait pour qui on vote ». Ce sont quelques-unes des impressions qu’ont récolté les politologues Salomé Vallette et Sandra Breux, de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), dans le cadre d’une étude sur le rapport des jeunes Québécois(e)s à la politique municipale.

D’après leurs résultats, les jeunes négligeraient les élections municipales par incompréhension du fonctionnement de ce palier de pouvoir, plus que par désintérêt face aux enjeux discutés par les partis politiques. Les conséquences sont significatives : chez les 18 à 25 ans, seulement une personne sur quatre s’est rendue aux urnes lors des élections municipales de 2017.

Une utilité floue

Anne Latendresse, professeure et chercheuse en géographie sociale à l’UQAM, abonde dans le sens des résultats de l’étude de Mme Vallette et Mme Breux. « Ce n’est pas clair, pour les jeunes, ce que fait une municipalité », affirme-t-elle. Selon elle, la politique municipale n’est pas aussi visible que la politique provinciale ou fédérale dans l’univers des 18-25 ans.

La professeure souligne également que les jeunes ne savent pas comment conjuguer leurs valeurs avec le paysage politique municipal. En d’autres mots, ils ne savent pas qui est à droite, qui est à gauche et qui défend les entreprises, les femmes ou l’environnement, par exemple. « Quand on vote, ça exprime des valeurs, des convictions [] On ne vote pas toujours pour un programme comme tel, mais plutôt à partir d’une représentation du territoire qu’on veut », explique Mme Latendresse. Le problème se trouve alors dans le fait que les jeunes électeurs et électrices n’ont pas les informations nécessaires pour reconnaître le parti qui les représente le mieux.

Les raisons de s’intéresser à la politique municipale sont toutefois nombreuses, selon Anne Latendresse. D’après la professeure, la ville est la scène sur laquelle se jouent les grands enjeux d’aujourd’hui, comme l’environnement et la diversité. « Les enjeux locaux sont étroitement liés aux enjeux mondiaux », dit-t-elle.

La politique municipale vue par la relève

Juliette Côté-Turcotte a 21 ans, et elle étudie en science politique à l’UQAM. Cet automne, l’étudiante se présente en tant que conseillère de ville dans le District DeLorimier. C’est en lisant le livre À nous la ville de Jonathan Durand-Folco qu’elle a eu la piqûre pour la politique municipale. Son programme priorise une accessibilité à la ville pour tous et toutes en se penchant sur les enjeux féministes, l’environnement et l’inclusion.

Aux yeux de Juliette Côté-Turcotte, le manque d’implication des jeunes au niveau municipal est le résultat d’une éducation civique inadéquate. « On a besoin d’une réforme à ce niveau-là », plaide-t-elle. Elle déplore également que certains groupes, comme les jeunes ou les aîné(e)s, soient oublié(e)s par les élu(e)s municipaux et municipales.

À 25 ans, Nicolas Lemire se présente pour la deuxième fois comme candidat indépendant à la mairie de Laval. Dans son programme, il soumet des propositions principalement axées sur la démocratie participative, la mobilité et surtout, l’environnement. « Mon mot d’ordre, c’est transition socio-écologique », déclare-t-il.

D’après lui, deux changements s’imposent pour intéresser les jeunes à la politique municipale. « D’abord, les jeunes sont des citoyens aussi, il ne faut pas les traiter comme une classe à part », soutient-il. Le jeune candidat souhaite également que les enjeux abordés au municipal évoluent : « En politique municipale, on est moins habitués à avoir des débats d’idées […], il faut laisser faire les débats plus stériles et plus populistes », suggère-t-il.

Redouane Yahmi, 20 ans, a également mis le cap sur la mairie de Laval. Né en Algérie, ce candidat est lavallois depuis 11 ans. D’après lui, être jeune et issu de l’immigration lui permet de mieux rejoindre les communautés qui ne se sentent pas habituellement concernées par la politique municipale. « Ceux que je veux convaincre, ce sont les Lavallois qui d’habitude ne votent pas », explique-t-il.

Vers une jeunesse mobilisée

Les deux candidat(e)s ont noté l’influence positive de leur saut en politique sur leurs pairs. D’après Nicolas Lemire, le contenu qu’il publie sur sa page Facebook  qui mélange publications informatives et memes irrévérencieux  a contribué à rallier les jeunes autour de sa candidature. « J’ai reçu des messages me disant qu’à travers mon contenu, j’ai rendu la politique municipale intéressante, et je trouve ça vraiment cool », se réjouit-il.

Juliette Côté-Turcotte ajoute que ses ami(e)s ont été nombreux et nombreuses à s’impliquer à ses côtés, autant dans la production de son contenu promotionnel que dans l’élaboration de son programme. La candidate se dit fière de constater la capacité des jeunes à collaborer autour d’un tel projet politique. « Ça démontre qu’on est là, qu’on a du potentiel et qu’on est prêts », conclut-elle.

Mention photo Manon Touffet | Montréal Campus

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