Un rituel contemporain : le pari du Bangarra Dance Theatre

Avec Spirit, présenté au théâtre Maisonneuve jusqu’au 2 novembre, la compagnie de danse australienne Bangarra Dance Theatre partage sa vision cérémonielle autochtone à travers une prestation de danse contemporaine exceptionnelle, alliant traditions et audace en portant très haut la voix d’une histoire plusieurs fois millénaire.   

« On ne fait pas que danser, on raconte une histoire », explique Beau Dean Riley Smith, danseur depuis sept ans au Bangarra Dance Theatre et descendant du peuple Wiradjuri en Australie. Comme plusieurs autres interprètes de la compagnie, il a été formé en danse à l’Association nationale de développement des compétences des aborigènes et des insulaires (NAISDA). « Bangarra, c’est un bon endroit pour permettre aux diplômés de se produire », remarque-t-il.

Fondé en 1989, le Bangarra Dance Theatre, basé à Sydney, fête aujourd’hui trente ans de présence importante sur la scène australienne et internationale. Ses 17 interprètes dynamiques formé(e)s professionnellement ont tous une origine aborigène et/ou insulaire du détroit de Torres, en Australie. Bangarra est un mot wiradjuri qui signifie « faire du feu ». 

« La danse est notre médecine, une pratique qui relie le passé, le présent et l’avenir à travers la transmission de savoirs culturels », écrit Stephen Page dans le feuillet du spectacle. Descendant du peuple Nunukul et du clan Munaldjali de la nation Yugambeh du sud-est du Queensland, le codirecteur artistique de la troupe depuis 1991 a aussi dirigé les sections aborigènes pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques de Sydney de 2000 et les Jeux du Commonwealth de 2018. 

Beau Dean Riley Smith croit que Bangarra traduit la culture aborigène. « L’Australie, comme l’Europe, est composée d’un grand nombre de nations et de clans. [Chez Bangarra], nous essayons de raconter l’histoire de tout le monde, et de l’amener sur les plates-formes internationales », souligne-t-il. Il y a 125 chorégraphies en cours chez Bangarra, issues de différentes communautés, qui leur sont ensuite ramenées comme un cadeau dans un esprit de réappropriation culturelle, précise-t-il. « C’est incroyable de faire partie de ça ! »

Spirit, une démonstration envoûtante

« Les oeuvres réunies dans Spirit soulignent l’importance des cérémonies, de la connexion et de la transformation ; des moyens par lesquels l’esprit peut être libéré, le cycle de la vie peut se poursuivre et l’espoir peut triompher », poursuit Stephen Page, rappelant que la culture aborigène d’Australie s’appuie sur 65 000 ans d’histoire. Spirit offre, à travers différents tableaux dansés qui revisitent son répertoire, une incursion immersive rythmée, audacieuse, organique et cérémonielle. L’ambiance sonore y est à la fois moderne et emblématique, avec des chants et des instruments traditionnels. 

Lors de la prestation, le public peut ressentir une omniprésence du lieu et de la nature par des projections rappelant le désert et la lande aride, par des éléments de décor comme des buissons et des branches ainsi que par une gestuelle évoquant le monde animal. Les interprètes, huit femmes et neuf hommes, évoluent dans des ensembles harmonieux desquels s’extraient certains personnages, soulignant par le fait même les complexités d’appartenance et d’identité. Parfois langoureux, rythmés et même tragiques, parfois exclusivement féminins ou masculins, les tableaux racontent tour à tour une histoire sacrée, et ce, grâce à un mouvement contemporain puissant. 

Danser pour transmettre

« Dans Spirit, nous partageons les récits de notre expérience en tant qu’Autochtones – non censurée, brute et sans s’excuser ; des récits qui témoignent avec force des complexités, de la diversité et de la sophistication de l’histoire, de la culture et de la philosophie des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres », raconte Stephen Page. 

Pour Beau Dean Riley Smith, la danse offre une transition aisée pour les savoirs et les traditions autochtones. « Puisqu’il n’y avait pas de texte, nous avons toujours utilisé la danse, la musique et les arts visuels pour traduire la symbolique du territoire et de ses récits. Chaque fois que Steven chorégraphie, c’est une cérémonie. » 

Il s’agit de la deuxième virée de Bangarra Dance Theatre sur ce qu’elle nomme l’île de la Tortue (l’Amérique du Nord). En 2008, elle avait présenté Awakenings à Ottawa.

Photo Zan Wimberley

Commentaires

Une réponse à “Un rituel contemporain : le pari du Bangarra Dance Theatre”

  1. Avatar de Jean Dussaulr
    Jean Dussaulr

    Excellente présentation.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *