Le nouveau festival Santa Teresa, qui aura lieu du 27 au 29 avril sur la couronne nord de Montréal, s’inscrit parmi la liste grandissante de festivals de musique en région. Ses organisateurs y voient la chance de diversifier l’offre musicale et des membres de l’industrie pensent que des événements du genre sont vitaux pour mettre en valeur la culture autrement en dehors de la métropole.
À moins de deux heures de la métropole, les mélomanes avertis peuvent facilement trouver chaussure à leur pied durant les étés québécois : de Sainte-Hyacinthe (Agrirock), en passant par Laval (Diapason), jusqu’à Gatineau (Outaouais émergent), la musique émergente connaît véritablement un succès grandissant, tant en périphérie de Montréal que plus loin en région.
La programmation musicale du nouveau festival Santa Teresa, qui a lieu à Sainte-Thérèse, sort des sentiers battus avec des artistes aux sonorités diversifiées, à la fois rock, trash, psychédélique, indie pop et alternative. Même si Santa Teresa en est à sa première année, le festival met en vedette des artistes d’envergure comme Patrick Watson ou City and Colour. L’annonce de la présence de ces musiciens très populaires dans les petites salles, les bars et l’église du centre-ville de la banlieue en a surpris plus d’un. Julien Aidelbaum, cofondateur de Santa Teresa et de la compagnie événementielle Scène 1425, affirme que dans le processus de sélection des artistes pour Santa Teresa, lui et son équipe ont voulu sortir du cadre. C’est en suggérant une programmation à la fois populaire, avec des artistes qui « comprenaient la sensibilité du festival », et à la fois plus fraîche et underground qu’ils y sont parvenus. Tout ça en ayant à cœur de « donner de l’espace aux nouveaux artistes pour ainsi les laisser faire du bruit. »
La variété : contrainte et alliée
Mathieu Pondbriand, fondateur du festival de musique en forêt Grosse lanterne, à Béthanie en Montérégie, croit que le plus grand défi dans l’organisation d’un festival en région dépend de la teneur de sa proposition musicale. « Si elle est diversifiée, elle rejoindra un plus grand nombre de gens ». Il soutient qu’avec plusieurs têtes d’affiches qui se répètent d’un festival à l’autre, « c’est un exploit de présenter une programmation qui se démarque des autres tout en attirant un public local. »
Selon la gérante d’artistes indépendante Noémie Laniel, qui collabore notamment avec Caltâr-Bateau, Mon Doux-Saigneur et Melanie Venditti, et dont plusieurs des protégés participeront au festival (Lydia Képinsky, Les Louanges, Nicolet), « le Québec reste un petit milieu. On fait rapidement le tour des vedettes de l’industrie musicale, mais on accorde peu d’attention au bassin d’artistes émergents, qui est pourtant très fort ». C’est vers eux qu’il faut réussir à attirer les projecteurs en mettant des têtes d’affiche dans les vitrines, pour ensuite imposer ces petits nouveaux au public, estime Mme Laniel, qui a travaillé de pair avec les studios Chivi Chivi pour la programmation du festival.
Décentraliser la culture
Pour partager les nouveaux talents de Montréal au plus grand nombre de Québécois possible, il faut évidemment sortir de la zone de confort que représente une plaque tournante culturelle comme cette métropole.
« Les festivals à l’extérieur de Montréal permettent de décentraliser la culture de la métropole, de l’amener ailleurs », dit Etienne Hamel, membre de la formation Nicolet. Selon lui, des scènes comme FAST à Sorel, ou encore Artefact à Valleyfield, sont des exemples de bons laboratoires où les musiciens peuvent avoir du plaisir sans trop s’éloigner.
Pour les organisateurs de Santa Teresa, le but de présenter les spectacles dans des petites salles comme des bars et des églises était de ramener les têtes d’affiche à leur début, lorsqu’ils foulaient les planches pour les premières fois. « Nous voulons faire revivre une expérience d’intimité entre les artistes et le public au sein d’une ville centrée sur la culture d’ici », affirme Julien Aidelbaum.
Dino Delifraine, propriétaire des bars le Cha Cha et le HB à Sainte-Thérèse, abonde dans le même sens. « Les petites salles sont idéales pour amener des plus gros noms à renouer avec l’ambiance amicale des bars. Elles leur servent d’atelier pour tester du nouveau matériel et nous sommes plus qu’heureux de les accueillir. »
Si l’on peut penser que le marché des festivals musicaux est saturé, ce ne serait qu’un point de vue montréalais. « Sur l’île, les gens sont accoutumés à consommer la culture de façon boulimique », dit Étienne Galarneau, chroniqueur musical à la radio de CISM. À son avis, les festivals en région ne sont pas nécessairement destinés aux Montréalais. L’expert en musique émergente soulève qu’il faudrait poser un regard « non montréalais » sur les programmations des festivals en région et plutôt embrasser la culture.
« Des Alex Nevsky, des Lisa Leblanc, des Bernard Adamus pis des Dead Obies, on les a vus passer d’un festival à l’autre parce qu’ils se déplacent jusqu’à leur public, ce n’est pas le contraire. Qui fait plus de deux heures de route pour voir plus d’une fois le même band au courant de l’été? », ajoute M. Galarneau. C’est là que résiderait l’intérêt de répéter les têtes d’affiche.
Trouver le bon équilibre dans la programmation fait le succès des festivals de musique, selon M. Pontbriand. « Les gros noms attirent les gens de région et les artistes émergents sont ceux qui amènent les Montréalais à sortir de leur île. Alors il faut essayer de faire les trucs autrement dans le but d’en offrir pour tous les goûts », ajoute celui qui est à la tête de Grosse Lanterne. D’après lui, cette façon de faire est la seule qui permet de se démarquer.
Promouvoir la culture, un point c’est tout
Tout comme les festivals Artefact et Diapason ou encore Agrirock qui se déroulent à proximité de cégeps, le collège Lionel-Groulx à Sainte-Thérèse amène un bassin important d’étudiants.
Selon le fondateur d’Artefact, Francis Paquette, les choix musicaux d’une programmation doivent tenir compte du public ciblé. Or, ils devraient surtout refléter les raisons principales de leur existence en tant que festival, la première étant de soutenir et de faire découvrir la culture. « C’est en m’activant dans ma communauté que j’ai remarqué que les activités estivales en région ne se tournaient pas vers la musique. Par exemple, il y a les Régates, les événements gourmands ou les expositions agricoles qui s’occupent de divertir la population locale. Les festivals de musique eux, s’affairent à revitaliser la vie culturelle de la ville où ils s’installent » , constate-t-il.
D’après Noémie Laniel, « Santa Teresa essaie de redonner vie à la ville, en fonction de sa population, qu’elle soit étudiante ou plus âgée ». Son protégé, Vincent Roberge du groupe Les Louanges, espère que Santa Teresa mettra la puce à l’oreille d’autres municipalités afin de promouvoir la scène musicale émergente à l’extérieur de Montréal. « Plus tu brasses la culture, plus tu la disperses », illustre-t-il.
« La population de Sainte-Thérèse et de ses environs avait besoin d’un festival tel que Santa Teresa, parce qu’il n’y a rien à faire aux alentours. Les banlieues sont des villes-dortoirs, personne ne sort le soir », observe M.Delifraine.
Photo: ANNE-JULIE ST-LAURENT (Chivi Chivi)
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